Deux provocateurs des mots se succédaient sur la scène de La Tulipe, mardi soir, dans le cadre du festival Coup de coeur francophone. Deux mondes séparent les chansons de Keith Kouna des monologues de Fabien Cloutier, mais ce qui sort de la bouche de deux bêtes de scène est tout aussi explosif.

La soirée se terminait avec Kouna, dont seul le nom a gagné à se faire connaître, au dernier gala de l'ADISQ, grâce aux trois nominations prestigieuses qu'a obtenues l'ex-Goule avec son deuxième album solo Du plaisir et des bombes.

Qu'il soit en mode rock électrique-agressif ou tout en vulnérabilité sur des airs folk, Kouna domine la scène tel un poète punk qui frise la folie.

Balancée en début de soirée, Comme un macaque a électrisé les spectateurs d'une redoutable décharge rock. Au milieu de son groupe, Kouna bondissait et s'exclamait comme si c'était son dernier spectacle, incarnant parfaitement l'image du vieux romantique militant échauffé par la bière. C'est ce qu'inspirent les chansons de son dernier album qui font l'éloge du sexe en période de grande agitation populaire.

Pendant Déo, titre de son premier album, Kouna a plutôt mis ses tripes sur la table en nouant celles des spectateurs.

Dans sa chanson Pas de panique, il s'en prend aux hipsters et aux artistes choisis par le public à l'ADISQ. Les compromis artistiques? Tant pis. Kouna est un esprit libre qui aime provoquer. Entre deux chansons, le chanteur à la voix nasillarde a pimenté de sa sauce une chanson de Kaïn en parlant «de lendemains de poudre».

Sa force: provoquer, délirer, mais parvenir à toucher. Mardi, pendant sa magnifique pièce Batiscan (prix de la SOCAN), écrite pour son défunt père, les spectateurs de La Tulipe avaient la larme à l'oeil.

En janvier, Keith Kouna s'envolera en France pour un long séjour de sept mois. Il devrait rapidement trouver son public. Au Québec - du moins c'était le cas mardi soir -, ses fans entonnent ses chansons par coeur en dansant le poing en l'air.

Fabien Cloutier en première partie

Confier la première partie du spectacle de Keith Kouna au dramaturge et monologuiste Fabien Cloutier était aussi surprenant que parfaitement logique.

Les mots non censurés «du peuple» de Fabien Cloutier frappent fort, car ils mettent sous la loupe les jugements sociaux trop faciles - et tabous - que l'on pose (tous à notre façon) envers certains groupes de gens. Mardi soir, l'auteur de Scotstown et Cranbourne a profité pleinement de la carte blanche qui lui avait été donnée.

Des spectateurs apprenant à le connaître l'ont accueilli avec des ricanements jaunes. Les autres ont ri grassement à ses blagues de «gars normal» au gros bon sens. Tout le monde y a passé: les grosses qui occupent les sièges réservés dans les autobus, l'émission Décore ta vie, rebaptisée Décore ton absence de vie sexuelle, ou encore le taux de coiffeuses anormalement élevé au Lac-Saint-Jean. Et pourquoi ne pas remplacer le père Fouras par Jean-Pierre Ferland à Fort Boyard? Pourquoi ne pas fusionner les défilés de la fierté gaie et celui du Carnaval de Québec?

Fabien Cloutier est sans doute le dramaturge et l'humoriste qui écrit en pratiquant le moins la censure et le compromis. Le politically correct, non merci. Il atteint sa cible puisque ses textes suscitent le rire à en avoir des crampes au ventre. Avis aux intéressés: le chroniqueur à l'émission Plus on est de fous, plus on lit! se produit à La Licorne. Âmes susceptibles peut-être s'abstenir.