L'Orchestre Métropolitain ne fait pas exception à la tendance historique: admettre le jazz au sein de la grande famille des musiques sérieuses, dites classique. Bien que le jazz demeure une pratique musicale fort différente de manière générale, ses créateurs tendent à maîtriser de plus en plus les formes compositionnelles d'un univers classique... de plus en plus ouvert à la chose jazzistique.

Jeudi soir à la Maison Symphonique, nous ont été soumis des exemples probants de cette conversation entre deux mondes de plus en plus rapprochés.

Puisque Claude Debussy a exercé une influence profonde sur la dimension harmonique du jazz moderne, il n'y avait pas lieu de s'étonner de l'inscription au programme de cette Rhapsodie pour saxophone, oeuvre concertante consacrée à l'instrument qui mettait en relief la maîtrise de Marie-Chantal Leclair, membre du quatuor de saxophone Quasar.

Quant au choix d'interpréter Fearful Symmetries dans le cadre d'une soirée jazz, il était peut-être moins justifié malgré les références vaguement jazzistiques inscrites dans cette oeuvre de l'Américain John Adams, oeuvre imaginée à la fin des années 80 pour un orchestre symphonique renforcé d'un quatuor de saxophones et de synthétiseurs. Qualifiée de «Pentagruel boogie» par son très doué concepteur, cette oeuvre n'en demeure pas moins brillante, à mon sens la plus riche au programme.

Chef invitée pour ce concert, Mélanie Léonard nous a confié que le batteur Bernard Riche avait réalisé un rêve en composant un concerto pour batterie (À cordes et à cris), vu l'extrême rareté de telles oeuvres. Ainsi, on a pu observer un rigoureux travail de synthèse, suite d'effets orchestraux plutôt contemporains, où la batterie aurait pu à mon sens être davantage mise en évidence - tant qu'à y être! L'intention de la relative discrétion percussive dans ce Thème pour trio jazz et orchestre, seconde oeuvre de Riche au programme, était peut-être justifiée. Encore là, j'aurais personnellement aimé une plus grande mise en évidence de l'intervention pianistique signée François Bourassa.

De ce dernier, l'Orchestre Métropolitain a interprété Trois jazettes concertantes pour vibraphone et marimba, mettant en relief la virtuose Marie-Josée Simard. Belle dynamique entre l'écriture orchestrale de Bourassa et celle consacrée à la soliste, nombreux éléments de haute créativité côté composition bien qu'amoindris par des différences esthétiques trop contrastées à mon sens - je pense à certains moments beaucoup plus proches des conventions jazzistiques en milieu de parcours.

Duke Ellington était prévu au dessert. Composée en 1950, Harlem fut sa première oeuvre symphonique d'envergure, l'objet étant de ressentir musicalement la culture afro-américaine et afro-latine prévalant dans le célèbre quartier de New York. On aura noté que l'équilibre entre vents et cordes y était discutable (encore trop proche d'une écriture de big band), cette pièce a néanmoins le mérite d'obliger un orchestre symphonique à jazzifier son approche. On aura saisi, d'ailleurs, que plusieurs de ses interprètes manifestaient une vraie sensibilité jazz, idem pour la direction d'orchestre.

Est-il nécessaire d'ajouter que Duke Ellington était grand admirateur de Claude Debussy, comme la plupart des grands créateurs du jazz moderne? Côté classique, l'inverse est de plus en plus remarquable...