La musique entendue est de Beethoven, oui. Mais le spectacle du colosse Zeitouni pompant les Musici à pleins bras et les haranguant, tel un entraîneur sportif, suggère plutôt quelque «câlleux» de veillée de campagne aiguillonnant sans cesse tout son monde avec cet Envoyons d'l'avant, nos gens! de notre folklore.

J'ai toujours considéré Jean-Marie Zeitouni comme un chef sérieux et un vrai musicien. Je le pense encore et préfère classer comme l'inexplicable égarement d'un soir le concert qu'il nous inflige pour ses débuts comme successeur de Yuli Turovsky à la tête des Musici.

Après Paavo Järvi et quelques autres, Zeitouni donne à son tour dans cette nouvelle mode: le «Beethoven baroque». Pour l'occasion, le petit orchestre est augmenté à 38 musiciens. Ces effectifs correspondent à ceux de l'époque et, avec la répartition des violons de part et d'autre du podium, clarifient le contrepoint. On entend tout. Zeitouni va plus loin: comme chez les quatuors où les deux violons alternent au premier-pupitre, certains musiciens passent d'un groupe à l'autre après l'entracte. Toutes ces initiatives sont intéressantes et donnent parfois de stimulants résultats.

Mais pourquoi réduire à ce point le vibrato, et même l'éviter, comme s'il s'agissait d'un gros péché? Et pourquoi cette vitesse démentielle et cette direction survoltée, à coups de poing, comme si le chef essayait d'assommer quelqu'un? Dans cette approche inhumaine, la quatrième Symphonie sonne comme la septième et vice versa. Toute expression a disparu; les musiciens jouent si vite qu'ils n'ont pas le temps de penser à faire de la musique. De mon côté, je n'arrive pas toujours à tourner les pages de ma partition aussi vite et, surtout, je trouve absolument héroïques les pauvres musiciens qui réussissent à jouer, et à bien jouer, à un tel tempo casse-cou. Il y a bien le basson qui rate une petite note ou deux dans son fameux trait de la quatrième Symphonie (difficile de faire autrement!), deux ou trois légères imperfections aussi, mais rien de grave.

M. Zeitouni fait toutes les reprises... enfin, je le pense. À un moment donné, j'ai cessé de compter.

Déprimante soirée. Plus déprimante encore, l'ovation monstre de l'auditoire debout, semblable à celle qui fut faite à Mme Grimaud l'autre soir. Dieu soit loué, on a aussi entendu de copieux sifflets.

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I MUSICI DE MONTRÉAL.

Chef d'orchestre: Jean-Marie Zeitouni.

Mercredi soir, Salle Bourgie du Musée des beaux-arts; reprise jeudi soir, 19 h 30.

Programme consacré à Ludwig van Beethoven (1770-1827):

Symphonie no 4, en si bémol majeur, op. 60 (1806)

Symphonie no 7, en la majeur, op. 92 (1812-1813)