Le Trio Fibonacci ouvrait mercredi soir la saison de la Chapelle historique du Bon-Pasteur et, du même coup, sa propre saison. Celle-ci comprend notamment, au Bon-Pasteur, quatre concerts centrés sur quatre compositeurs d'ici. Chaque concert est précédé d'un bref entretien avec le compositeur.

Premier compositeur fêté: Brian Cherney, cet Ontarien très effacé, 70 ans l'an prochain, qui enseigne la composition à McGill depuis 1972. Une quarantaine de personnes étaient là, dont ses collègues Bruce Mather, John Rea, Jean Lesage et Chris Paul Harman.

L'entretien de 15 minutes ne nous apprit pas grand-chose sur M. Cherney et sur son choix de Schubert et de Domenico Scarlatti comme compléments de programme. De toute évidence, la difficulté qu'éprouve M. Cherney à s'exprimer clairement en français déroutait le violoncelliste du trio, qui l'interviewait.

En trois titres, sa musique totalisait 41 minutes, soit près de la moitié du concert entier. Julie-Anne Derome, la violoniste du trio, joua d'abord (In the Stillness of Eden: sept minutes de violon seul suggérant deux voix simultanées ou opposées - à l'origine une pièce de concours, correctement rendue.

Gabriel Prynn au violoncelle et Wonny Song, le nouveau pianiste du trio, reprirent ensuite le duo de 17 minutes intitulé Like Ghosts from an Enchanter Fleeing, d'inspiration littéraire, qu'Antonio Lysy et Andrew Tunis avaient créé à Rome en 1993 et joué dans cette même salle en 1995. La pièce en six courts mouvements est soporifique, malgré quelques raffinements sonores.

Dix-huit ans plus tard, voici un autre pavé de 17 minutes, dans le même genre: Musiques nocturnes, que M. Cherney écrivit cet été et que lui commanda le Fibonacci, «sans l'aide du Conseil des Arts du Canada», lit-on dans le programme. On a bien lu, et le compositeur de confirmer: sa demande de subvention fut bel et bien refusée.

Tant pis si M. Cherney ne m'adresse plus jamais la parole, mais, cette fois, le CAC a vu juste. Le mot «nocturne» doit-il donc appeler automatiquement, comme c'est le cas ici, quelque chose de statique et de mortellement ennuyeux? Je ne comprends pas comment les musiciens ont pu rester éveillés en jouant une chose pareille.

Après les balbutiements, le génie à l'état pur: le premier Trio de Schubert, en si bémol majeur (op. 99, D. 898). Le Fibonacci inscrit toujours un classique à ses concerts et c'est souvent ce qui sauve ceux-ci. Il semble même qu'on soit allé chercher Wonny Song pour «remonter» le Fibonacci. L'extraordinaire présence du minuscule pianiste entraînait en effet les deux coéquipiers, plus faibles, vers une lecture du Schubert que je qualifierais de passionnante.

En début de concert, Wonny Song joua l'une des 555 petites sonates de Scarlatti : celle qu'on appelle Le Cortège, en mi majeur, qui porte le numéro 23 au catalogue Longo et le numéro 380 au catalogue Kirkpatrick.

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TRIO FIBONACCI - Wonny Song (piano), Julie-Anne Derome (violon) et Gabriel Prynn (violoncelle).

Mercredi soir, Chapelle historique du Bon-Pasteur.