Encore maintenant avec la sortie de son 15e album, Isabelle Boulay impose le respect, au-delà de son auditoire «naturel». Elle a su mener une carrière grand public tout en conservant cette touche de raffinement l'écartant de toute ringardise... ou presque.

«Je ne veux pas te changer / J'essaie de communiquer», dit le texte de Tout sera pardonné, signé Raphaël (Laroche) sur un air pop aux effluves country. Voilà qui, indirectement, illustre la direction (!) d'une interprète au croisement des chansons françaises d'Europe et d'Amérique. Un pied à Paris, un autre à Nashville, le coeur au Québec, l'esprit en Gaspésie, revoilà Isabelle.

Fidèle à son amie, Benjamin Biolay s'est remis à son service afin de réaliser En vérité. L'artiste français lui a fourni la section rythmique de sa propre formation (le batteur Denis Benarrosh, le bassiste et guitariste Nicolas Fiszman) à laquelle il a greffé cordes, claviers et cuivres sans foncièrement en modifier la facture.

Mélange de styles

Ainsi, Biolay s'applique une fois de plus à trouver le liant entre des styles parfois disparates.

Il a dû faire, entre les airs somptueux de son cru (Toi, moi, nous, Mon amour), un mid-tempo country pop de Didier Golemanas (La route avec lui), une ballade FM franchouillarde de Carla Bruni et Julien Clerc (Le garçon triste), une typique ballade country de Robert Thomas (ex-Matchbox Twenty), un exercice de style (country) de Béatrice Martin, une ritournelle romantique d'Alex Nevsky (Le train d'après), un petit groove afro-caribéen de Bernard Lavilliers et Pascal Arroyo (Les mains d'or) ou encore une chanson d'amour en italien comme on les imagine depuis des lunes (Una storia d'amore, carrément).

D'autres plumes acérées ont été mises à contribution, (La Grande) Sophie Huriaux, Louise Verneuil, le tout exécuté avec élégance et orthodoxie. En responsabilisant de nouveau Biolay afin de souder ce corpus apparemment disparate, ces textes de différents niveaux, ces styles pas tout à fait compatibles d'emblée, la chanteuse se préoccupe sincèrement de sa cohésion esthétique. On comprend que l'objectif consiste à unifier les répertoires d'Europe et d'Amérique et de leur conférer un même statut de qualité.

Faire plaisir

Objectif atteint? Partiellement. Demeure cette impression qu'Isabelle Boulay ne va pas toujours au bout de ses envies, qu'elle ménage sciemment la chèvre et le chou... et que cela s'explique. La nécessité de mettre de l'avant dans son répertoire certaines propositions archi-prévisibles afin de maintenir un vaste rayonnement n'est pas toujours en phase avec le raffinement réel et les goûts plus audacieux de la chanteuse populaire.

Pour faire plaisir à toutes et à tous, elle ne prend pas le risque de raffermir sa facture et d'y emmener qui voudra bien la suivre dans cette quête authentique. Elle assume donc la conséquence d'être relativement exclue de la coolitude. Pour Isabelle Boulay comme pour la majorité absolue de ses fans, il va sans dire, ce petit paradoxe n'est pas ressenti comme un problème...

* * * 1/2

Chanson pop. En vérité. Isabelle Boulay. Audiogram.