Le rockeur Bobby Gillespie, fils d'un leader syndical écossais, reste toujours effaré par le «chaos» et «le manque de solidarité» qu'il perçoit dans le monde mais continue, avec son groupe Primal Scream, de faire danser son désespoir sur d'entraînantes rythmiques rock et électro.

«C'est une question de tension. Nous apprécions cette tension entre une musique délirante et des paroles sombres. Comme le chantait Smokey Robinson (chanteur du groupe The Miracles dans les années 1960, ndlr), je vais aller danser pour éviter de pleurer...», explique à l'AFP avec son accent écossais le longiligne chanteur à la chevelure mi-longue, leader des Primal Scream depuis 30 ans.

Dans l'excellent onzième album, Chaosmosis, qui paraît vendredi, les fans du groupe retrouveront cet univers hybride électro-rock peuplé de guitares, de synthés et de rythmiques électro, où un entêtant refrain quasi-dance (100% or Nothing) et un synthé sorti tout droit des années 80 (Carnival of Fools) peuvent côtoyer une jolie ballade troussée à la guitare et aux cordes (Private Wars).

Dès son titre, explique le torturé Bobby Gillespie, cet album traduit le «chaos» du monde moderne où «nous sommes constamment bombardés d'images, de publicités, de propagande». «Cet album s'intéresse en grande partie à l'impossibilité de communiquer et à la difficulté de nouer des relations stables entre individus...»

«La seule chose que le monde capitaliste nous demande, c'est d'être un agent de production, travaillant pour soi. Cette société fracturée empoisonne les relations humaines, et c'est ce que je questionne dans mes chansons», explique le chanteur de 53 ans, qui n'avait pas hésité à se dire publiquement «très heureux» après la mort de Margaret Thatcher en 2013.

Toujours «underground»

Le très rock morceau Golden Rope reflète son engagement politique permanent: «Le capital nous a colonisés, il nous dirige et nous divise, laisse planer une violence profondément en nous».

Mais des questionnements plus personnels nourrissent aussi les textes du rockeur écossais, comme sur le single Where the Light Gets In, en duo avec la jeune Américaine Sky Ferreira: «Les amours brisées sont les seules que je connaisse/Difficile de s'en sortir dans ce monde tout seul...»

Avec ce disque, mêlant considérations politiques et intimes avec une furieuse envie de continuer à s'amuser, Primal Scream continue à se positionner à la frontière de plusieurs genres musicaux.

Nourri à ses débuts de punk, Bobby Gillespie, ancien batteur du groupe The Jesus and Mary Chain, a rapidement puisé aussi son inspiration dans la scène «acid électro»: «On voyait que c'était la musique la plus joyeuse, la plus sexy, avec le plus d'énergie, c'était le vrai rock'n'roll pour nous, davantage que ce putain de rock universitaire venu des États-Unis», assure-t-il.

Primal Scream, fondé au milieu des années 1980, fut ainsi un des précurseurs du mariage de la pop et de la house avec Screamadelica (1991), considéré par la critique comme un des meilleurs albums de la décennie. Le groupe a aussi fait chanter Kate Moss. De quoi faire de lui une référence de la scène rock britannique même si Bobby Gillespie assure que le groupe reste largement «underground».