La quête d'une maison de disques américaine pour retrouver un énigmatique musicien dont personne n'avait entendu parler depuis plusieurs années a récemment pris fin au Canada.

Randall Wulff a autoproduit, en 1983, un album intitulé L'Amour dans un studio de Los Angeles, sous le pseudonyme «Lewis». Sa distribution a été très limitée et il est rapidement tombé dans l'oubli. Peu de temps après, Lewis a lui-même semblé disparaître, explique Jack Fleischer, un ami de Matt Sullivan, dont le label Light In The Attic Records a réédité récemment L'Amour.

La musique de Lewis s'est mise à circuler en ligne plus tôt cette année, suscitant l'enthousiasme de divers blogueurs et musiciens et convainquant MM. Fleischer et Sullivan de se lancer à la recherche du mystérieux musicien.

Ceux-ci sont montés à bord d'un avion, écrit M. Sullivan dans une entrée de blogue, et se sont mis à sa recherche dans une grande ville de l'Ouest canadien, demandant à plusieurs personnes si elles avaient déjà vu le musicien en leur montrant une photo prise en 1983.

Vers la fin de leur deuxième journée de recherche, un pressentiment les a convaincus de se transporter à l'autre bout de la ville, s'est souvenu M. Fleischer lors d'un entretien à Los Angeles.

«Il était assis juste là.»

Par la fenêtre de la voiture, explique M. Sullivan, il a aperçu Randall Wulff, aujourd'hui âgé de 60 ans, sirotant un café au soleil.

Il était plus vieux, a précisé M. Fleischer, mais il était impossible de s'y tromper.

«Avec une canne et une grosse montre en or. Tout vêtu de blanc, des souliers blancs, des bermudas blancs, une chemise blanche ouverte jusqu'au nombril et une coiffure blonde soigneusement peignée. Et je ne pouvais simplement pas y croire. C'était comme apercevoir une licorne», a raconté M. Fleischer.

D'après M. Fleischer, Randall Wulff serait né à Calgary, en 1954, d'un père travailleur de la construction et d'une mère commis pour la Compagnie de la Baie d'Hudson. Jeune homme, il aurait déménagé à New York pour y travailler dans le monde de la finance, profitant de quelques bons coups sur les marchés boursiers.

Il aurait ensuite voyagé à Los Angeles en 1982, à court d'argent pendant la récession. Mais Randall Wulff était aussi déchiré par son identité: était-il «un musicien ou un financier»? a relaté M. Fleischer.

Il a alors enregistré L'Amour et fait parvenir des copies de sa musique synth-pop rêveuse et romantique à certains de ses amis courtiers à New York.

«Ils n'ont pas trop su quoi penser de ça», a noté M. Fleischer.

Puis, Lewis a semblé disparaître de la carte, mais pas avant d'avoir autoproduit un deuxième album, enregistré cette fois au studio Thunder Road de Calgary, en 1985. À la fin des années 1990, il aurait réalisé d'autres enregistrements dans un studio de Vancouver nommé Fiasco Brothers.

Le gérant de studio Len Osanic a indiqué mercredi que Randall Wulff, aussi connu sous le pseudonyme de «Lewis and Randy», était bel et bien vivant et qu'il habitait quelque part au Canada - ou à Hawaï, a-t-il ajouté. MM. Osanic et Fleischer ont tous deux été prudents de ne pas trop en dire, afin de protéger la vie privée de Lewis.

«Randy est bien réel», a assuré M. Osanic, ajoutant qu'il ne connaissait pas les enregistrements précédents de Randall Wulff lorsqu'il travaillait avec lui jusqu'en 2005. «Il a passé beaucoup de temps à penser à sa musique et ses chansons.»

Mais il s'est dit étonné d'apprendre la soudaine popularité du musicien.

«C'est un peu quelque chose de semblable à Bob Dylan. On pourrait l'entendre chanter sans savoir qu'il va être populaire», a-t-il affirmé. «Peut-être que sa musique ne fait que commencer à être à la mode» avec 31 ans de retard.

L'étiquette de disque de M. Sullivan a réédité L'Amour et procédera bientôt à celle de Romantic Times, son successeur de 1985 enregistré sous le pseudonyme «Lewis Baloue». Mais Randall Wulff a indiqué à MM. Sullivan et Fleischer qu'il n'avait pas l'intention de tirer de l'argent de l'opération.

«Il a de drôles de façons de dire les choses», a noté M. Fleischer, qui a indiqué que Randall Wulff avait dit à Matt Sullivan qu'il n'était pas intéressé par les «écus» parce que lorsque «trop de zéros se rattachent aux choses, les choses deviennent compliquées».

Le musicien a indiqué à M. Fleischer que désormais, il ne faisait plus que de la musique. «Il reste debout jusqu'à 4 h du matin, en jouant de la guitare.»