Demain, Louis Lortie donnera son tout premier récital à la Maison symphonique. Trois heures de voyage musical à travers les Années de pèlerinage de Liszt, tandis qu'en arrière-plan, le pianiste mijote une grande idée aux antipodes du romantisme lisztien: celle d'entreprendre un jour une intégrale des concertos de Mozart sur pianoforte, avec un orchestre qu'il dirigera lui-même.

Au moment de rencontrer La Presse, Louis Lortie en est à sa première visite à la Maison symphonique. Il n'a même pas encore essayé le piano.

«J'adore, dit-il. C'est sobre, et moi qui aime le bois, je suis choyé. J'ai très hâte de jouer ici.»

Un récital consacré aux Années de pèlerinage dure près de trois heures, avec deux entractes. Une épreuve d'endurance pour un musicien seul, mais le pianiste de 54 ans en a vu d'autres.

«Ce n'est pas la première fois que je joue les trois années en récital, dit-il. Je l'ai fait plusieurs fois durant l'année du centenaire de Liszt, en 2011. J'ai tellement aimé les jouer que j'ai décidé de les garder dans mon répertoire et de les refaire régulièrement. Il y a de ces programmes que l'on n'a pas envie de perdre.»

Pendant cette année Liszt, les récitals d'oeuvres du compositeur étaient très demandés.

«Mais je n'avais pas envie de jouer ses oeuvres les plus tape-à-l'oeil, comme les rhapsodies, dit-il. Pour moi, Liszt est un grand poète, un penseur et un créateur. Je voulais présenter un éventail plus large de sa pensée, de son optique de créateur.»

La troisième année du cycle, en particulier, est jouée plus rarement.

«Plus la vie de Liszt avançait et plus il vivait retiré. Ce sont des oeuvres de maturité et même expérimentales. Après avoir entendu les deux premières années, plus faciles d'accès et plus populaires, les auditeurs sont déjà dans l'atmosphère et mieux préparés à entendre la troisième. On comprend mieux ainsi le passage de cette vie qui s'est métamorphosée, peut-être plus que celle de n'importe quel autre compositeur.»

Grand projet

Louis Lortie a enregistré une quarantaine de disques en carrière: beaucoup de Chopin, de Beethoven et de Liszt, ainsi que du Mozart, il y a déjà longtemps. Il caresse maintenant un rêve radicalement différent de tout ce qu'il a fait jusqu'à maintenant: revisiter les concertos de Mozart au pianoforte.

«J'ai retravaillé ces concertos dernièrement, et mes idées s'orientent de plus en plus vers une pratique plus historique. J'ai envie de réaliser ce projet pour me faire plaisir avant tout, car, commercialement, le pianoforte complique les choses. Comme il n'y a pas d'instruments partout, il faut le transporter, et les grandes salles de concert d'aujourd'hui ne sont pas conçues pour favoriser la sonorité du pianoforte.»

Comme à l'époque de Mozart, il dirigera lui-même l'orchestre, au clavier.

De Liszt sur un grand Steinway à Mozart au pianoforte: deux univers opposés qui démontrent la polyvalence de l'artiste. «C'est très bien comme ça, dit-il. Un monde stimule l'autre.»

Dimanche, 14h30, à la Maison symphonique de Montréal. Une discussion avec Georges Nicholson précédera le concert à 13h15.