As de la slide, Derek Trucks est un des meilleurs guitaristes de sa génération. Ceux qui l'ont vu au Spectrum, lors du Festival de jazz de 2007, peuvent en témoigner. Sa femme Susan Tedeschi, également guitariste, est une chanteuse inspirée qu'on a pu voir en 2009 au Métropolis, en première partie de Buddy Guy.

Au cours des dernières années, pour toutes sortes de bonnes raisons artistiques et familiales, ces deux-là ont décidé de faire équipe et de s'entourer de neuf musiciens. Résultat? Le premier album du Tedeschi Trucks Band, Revelator, lui a valu le Grammy de l'album de blues par excellence et son tout récent Made Up Mind, qu'on entendra au Métropolis lundi, lui est supérieur.

«On voulait évidemment être plus souvent ensemble, mais je pense qu'après 14 ou 15 ans avec mon groupe, j'étais prêt à procéder à un changement, explique au téléphone Derek Trucks. Et puis, on a toujours voulu former un gros band, comme les Mad Dogs and Englishmen de Joe Cocker. C'était un peu comme sauter dans le vide sans nos groupes respectifs comme filet de sûreté, mais c'est devenu un band vivant qui respire et qui a désormais sa vie bien à lui.»

Une telle aventure pose également un défi au couple Tedeschi-Trucks, mais le guitariste répond que c'est justement pour s'assurer d'être prêts qu'ils ont attendu si longtemps avant d'unir leur destinée de musiciens. «Il y a aussi le défi de garder ensemble un groupe de 11 musiciens dans le climat actuel, où il n'y a plus vraiment d'industrie musicale et où on est laissé à soi-même. Mais ça fonctionne.»

Si Made Up Mind est un pas en avant, explique Trucks, c'est parce que le groupe venait à peine de se former quand il a enregistré Revelator. «Après quelques années en tournée, on a appris à se faire confiance et à connaître les aptitudes de tout le monde. C'est un band nettement plus confiant qui est entré en studio. Il n'y avait plus beaucoup de points d'interrogation: chacun savait comment le band devait sonner et ce qu'il pouvait accomplir.»

Des collaborations

Derek Trucks et Susan Tedeschi se sont également mis à écrire des chansons ensemble. «Avant, nous étions tellement occupés par nos carrières individuelles, l'Allman Brothers Band et la tournée de Clapton, ainsi que nos enfants [rires], qu'on a mis une décennie avant d'écrire ensemble», explique Trucks dont la présence a permis à Eric Clapton de jouer magnifiquement le répertoire de Derek and the Dominos lors de sa tournée de 2006.

Trucks a moins de temps à consacrer à l'Allman Brothers Band ces jours-ci, mais sa curiosité le pousse encore à multiplier les collaborations comme il l'a fait avec Herbie Hancock, B.B. King, les Indiens Ayaan et Amaan Ali Khan, ainsi qu'avec Johnny Winter pour son album Roots. «Johnny m'a beaucoup marqué. Et de jouer avec lui Dust My Broom, pièce phare pour les joueurs de slide, c'était pas mal du tout.»

Le Tedeschi Trucks Band a également été invité à jouer à la Maison-Blanche l'an dernier. «C'était un moment surréel, de partager la scène avec Booker T., B.B. King, Buddy Guy et ma femme devant ma mère et nos enfants assis dans la première rangée. Je pensais au chemin parcouru par B.B. et Buddy depuis toutes ces années. Je ne sais pas si ç'aurait été possible, à l'époque, de réunir des musiciens comme ça sur une même scène à la Maison‑Blanche. Donc, même si les choses sont un peu tordues dans le monde d'aujourd'hui, je trouve que, lentement, on fait des progrès», de dire Trucks en riant.

Ce n'est sûrement pas ce à quoi il pensait quand il a écrit la chanson It's So Heavy, dans laquelle il trace un portrait plutôt sombre de son pays, les États-Unis. Il raconte: «Le jour où on a enregistré cette chanson, il y a eu le massacre des enfants de Newtown, au Connecticut. On l'a écrite avec ce genre de thème à l'esprit et le fait que ça se reproduise en a fait une chanson encore plus poignante.»

Tedeschi Trucks Band, au Métropolis le 18 novembre.