Nous ne l'avions pas vu venir dans le radar musical québécois, ce Seb Black. Sorti presque de nulle part, l'auteur-compositeur dont la maîtrise du français cache ses origines anglophones juives (Black se dit Schwarz en yiddish) sort un premier album habité par une vieille âme musicale et porté par une voix écorchée à la Tom Waits.

Le quartier général de Seb Black est en face du cinéma Quartier Latin, dans les studios d'Emery Street Records. C'est son lieu de travail, sa maison et le théâtre de ses vices, qu'ils soient alcoolisés ou littéraires.

«Je ne suis propriétaire d'aucun objet dans le building. Je n'ai pas de téléphone, pas de char et pas d'adresse, lance-t-il. [Le fils du célèbre luthier] Godin est venu à mon show et m'a donné deux guitares. Une chance, car j'avais cassé celle que mon ami m'avait prêtée...»

C'est grâce à son partenaire d'affaires Francis Lemay que l'aventure des studios Emery Street Records est possible. «Je m'occupe de la gestion et Seb s'occupe de la création artistique», explique Francis Lemay. Témoin privilégié du talent de Seb Black depuis 10 ans, ce courtier hypothécaire l'a gentiment pressé de se consacrer enfin à un premier album.

Seb Black a une voix rauque. Enfile les clopes. Son corps est tapissé de tatouages. Il a une vieille âme rock'n'roll et une mémoire défaillante qui cache une vie mystérieuse.

Depuis les débuts des studios d'Emery Street Records, Seb Black - qui aura 30 ans le 30 juillet - a enfilé des contrats de réalisation, en plus de collaborer avec Eddie Paul et le groupe Les Taverneux. Il a fait des spectacles au Divan orange et sa chanson Got No Twist a tourné à la radio l'été dernier, surtout sur les ondes de CHOM.

N'empêche, on a l'impression que Seb Black sort de nulle part. Pris sous l'aile de la productrice de spectacles Nathalie Bourget, de l'agence Rubis Varia (Elisapie, Misteur Valaire, Bran Van 3000), il a bâti les maquettes de son premier album (en magasin mardi) seul en studio avant d'y inviter plusieurs musiciens, dont le guitariste Eddie Paul, le batteur Marc-Antoine Sévigny, le claviériste Matthew Shefler et son fidèle bassiste Guillaume Besnier.

Inclassable

Seb Black avait la voix de Tom Waits avant de savoir qui ce dernier était. «Il y a un gars qui m'a même comparé à Éric Lapointe, lance-t-il. Ça ne me dérange pas. D'autres m'ont dit The Clash, Rancid, Social Distorsion...»

L'éclectisme de ces références est à l'image des chansons de Seb Black. «Moi, j'essaie de recréer une atmosphère et non un style. J'aime quand on embarque dans le monde du chanteur, que ce soit Bob Dylan ou Kurt Cobain de Nirvana. Je n'aime pas quand c'est générique», dit celui qui apprécie autant la musique des Leonard Cohen, Edward Sharpe&The Magnetic Zeros, Dead Man Bones que celle du rappeur Riff Raff.

«Je voulais que mon album soit moderne et qu'il représente toute la musique que ma génération a écoutée», explique-t-il.

Le monde lyrique de Seb Black est nourri par son bagage de vagabond «qui n'est pas allé à l'école longtemps», mais qui a édifié sa culture générale dans les livres. Il y a peu de romans dans la bibliothèque de sa cuisine-maison-studio, mais s'y empilent des biographies et essais philosophiques ou politiques phares: Nietzsche, Umberto Eco, Keith Richards, Voltaire, Albert Camus et même Hitler.

Seb Black mène une vie sans lendemain. Il préfère le verbe «être» au verbe «avoir». «Je n'ai aucune vision. Je fais ce que je sens.»

Il est quand même ambitieux. «Mon but est d'aller à l'étranger», laisse-t-il tomber.

Croyez-nous: il ne rêve pas en couleur.

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Le spectacle-lancement de Seb Black se tiendra jeudi aux Katacombes.

Ce qu'on dit de lui



«C'est un personnage complètement inhabituel. Je suis allée voir Seb l'été dernier au Divan orange. J'ai entendu deux tounes et j'étais convaincue. Il a un potentiel international, c'est certain.» - Nathalie Bourget, programmatrice et productrice de spectacles pour l'agence Rubis Varia (Elisapie, Jorane, Misteur Valaire)

«Beaucoup de gens me posent des questions sur Seb Black. Pour l'instant, il y a un good hype local, mais rien sur mon radar international. Je vais attendre de le voir en show pour me prononcer.» - Mikey Rishwain, programmateur de M pour Montréal

«Seb est mon partenaire d'affaires chez Emery Street Records. On ne fait rien de pareil, mais on travaille bien ensemble. Seb est passionné et il se donne à 100%. Et son album est incroyable.» - Francis Lemay, partenaire de Seb Black chez Emery Street Records

«Seb est un gars intelligent qui fait toute sa musique lui-même. Un ami à moi m'a parlé de lui. Je suis allé le voir au Divan Orange et je lui ai apporté deux guitares. Il est tombé amoureux des guitares. Je fais pas ça avec tout le monde, mais il les a gardées. En échange, Seb a fait une vidéo de promotion en ligne sur notre site internet.» - Simon Godin, fils du fondateur des Guitares Godin