«Aux Nuits d'Afrique? Peut-être est-ce parce que j'ai un grand-père sénégalais, je ne sais... En tout cas, ça me fait très plaisir de venir chanter à Montréal!» En voici la raison véritable: à la programmation du festival, on a craqué pour Madjo. Aussi simple que ça.

La chanteuse s'est produite à Québec, l'an dernier. À Montréal il y a deux ans, elle a passé quinze jours «pour découvrir.» «Je connais un peu Montréal, j'adore», dit-elle au bout du fil de son domicile parisien. Aucun racolage à l'horizon, on le perçoit dans le ton. À notre tour de découvrir Madjo.

En septembre 2010, elle a lancé l'album Trapdoor. Indie pop chantée en français, chantée en anglais. Il y a une patte. Une facture. La voix est belle et typée. Essayons d'en comprendre le parcours.

«Mon grand-père maternel est sénégalais, ma mère est donc à demi-sénégalaise et à demi française. Du côté de mes grands-parents paternels, les origines sont suisses-allemandes et françaises. Mon père est né en Côte d'Ivoire où il a vécu les dix premières années de sa vie. Ma mère, elle, n'a jamais vécu au Sénégal. Mon grand-père avait quitté le Sénégal très jeune et ne nous a pas vraiment légué cette part  d'Afrique.

«Je connais peu notre histoire mais j'ai envie de la découvrir. Je peux comprendre ce peu: ma mère a eu des parents divorcés et son père était plus en admiration avec l'Europe qu'avec l'Afrique. Dans ces conditions, il y a eu pour ma mère toute la difficulté de reconnaître et célébrer ses origines africaines.»

Background virtuel, donc? «Non mais il y a une part de mystère là-dedans. De moins en moins; j'ai quand même vécu un an au Kenya. Et, petit à petit, je retourne en Afrique afin d'y découvrir une partie de ma famille sénégalaise à Saint-Louis.»

À Évian-les-Bains où elle a grandi, elle a fait du violon classique jusqu'à l'âge de 18 ans. Puis ce fut l'appel de la chanson, d'un univers «moins cloisonné». Elle s'est mise à la guitare et à l'écriture de chansons, entonné des reprises dans les bars. Puis elle a gagné Paris où elle vit depuis huit ans. Elle estime avoir fait ses classes via la pop de création, qu'elle fusse d'Europe ou Amérique.

«De petite fille à aujourd'hui, admet-elle, j'ai écouté beaucoup de matériel anglophone. J'aime bien l'idée de ne pas me cloisonner dans une langue, mais je veux aussi chanter en français et faire face à cette langue très capricieuse et cette tradition de chanson fondée sur le texte. Sans écraser la mélodie ou le rythme.

«C'est vrai que j'ai une admiration pour les grands songwriters américains - Rickie Lee Jones, Joni Mitchell, Fiona Apple, Tori Amos, Arcade Fire, The National, PJ Harvey, Björk, Patrick Watson, Neil Young, Timber Timbre, etc. Au  départ, je ne voulais pas chanter en anglais, estimant que je ne le méritais pas vu ma faible maîtrise de la langue. Mais j'avais un tel plaisir à chanter les standards en anglais, je ressentais une frustration. Plus ça va, plus je m'autorise à le faire. Mais je n'ai pas envie de fantasmer cette culture. Peut-être me faudrait-il vivre là-bas au quotidien... Vous croyez que je pourrais bien faire dans les deux langues à Montréal?»

La réponse pourrait être très longue... On vous l'épargne et on constate avec Madjo qu'aucune musique clairement africaine n'est au menu de son album. Indie pop et psych folk, quelques évocations afro. Indirectes, ténues, discrètes.

On remarque en outre qu'un certain Sébastien Lafargue a réalisé le Trapdoor de Madjo. «Je l'ai rencontré il y a quelques temps, il est devenu un ami, Nous avons fait ensemble la totalité de l'album. Nous avons été tous les deux en laboratoire, ce fut une vraie rencontre musicale. Sébastien est touche-à-tout, il a eu surtout des expériences en tant que bassiste avec des groupes comme Autour de Lucie. Depuis deux ans,  il fait ses premiers pas dans la réalisation de jeunes artistes. »

Vu son emploi du temps, Sébastien Lafargue et l'équipe studio de Trapdoor ne tourne pas avec Madjo.

«En fait, explique-t-elle, j'ai gardé les musiciens avec qui je travaillais avant d'enregistrer l'album. On est quatre: un bassiste également choriste, une choriste qui fait de la percussion et déclenche les échantillons pré-enregistrés, et un beatboxer qui fait aussi de la batterie. Et moi qui suis aux guitares. Cette équipe est formée de gens que j'aime beaucoup. C'est important d'avoir une vraie cohésion, quelque chose de fort. Je n'avais pas envie de me retrouver avec des professionnels de haut niveau avec qui il ne se passe rien.»

Dans le cadre des Nuits d'Afrique, Madjo se produit lundi soir 20h30, au Cabaret du Mile-End