Il est né Rich Terfry dans la région d'Halifax, il y a 38 ans. Au cours des deux dernières décennies, il est devenu Buck 65 sur scène, en studio et à l'échelle planétaire. Sa renommée tient à ses microbrassages inédits de poésie syncopée et de genres musicaux: hip-hop, talking blues, bluegrass, rock et autres country sur lesquels il a couché des textes pour la plupart très futés, très souvent brillants. Au service de la chaîne Radio 2 de la Société Radio-Canada, il redevient Rich Terfry du lundi au vendredi.

De Toronto, Rich Terfry anime une excellente émission quotidienne à chaque fin d'après-midi. Il y défend avec ferveur de fines sélections de songwriting canadien ou international. Inutile d'ajouter que ce répertoire a peu à voir avec ce que diffuse la FM commerciale. Hors des ondes radio-canadiennes, Buck 65 demeure un homme archi occupé puisqu'il doit mener deux carrières à la fois.

C'est de Buck 65 qu'il est ici question. D'un édifice hautement créatif qu'il érige depuis l'adolescence. Et que le principal intéressé commémore en lançant trois EP, un DVD et un album sous la bannière The Lost Tapes/20 Odd Years. Le corpus est constitué de documents audiovisuels rétrospectifs et de documents audio absolument neufs.

Sauf exceptions, cet opus est constitué de duos inédits: «Deux approches ont été nécessaires à leur création. La première fut de prendre contact avec plusieurs de mes amis artistes afin de les inclure dans le processus créatif. Ils ont tous accepté spontanément», explique l'artiste et animateur, joint à Toronto.

Et qui sont ces amis de Buck 65?

«Pour Stop, j'ai recruté Hannah Georgas, de qui je suis très proche. Je le suis également de Jenn Grant, nous venons tous deux des Maritimes, elle a d'ailleurs chanté à mon mariage! Ainsi, elle interprète trois titres sur le nouvel album: Paper Airplane, Cold Steel Drum, Who By Fire. John Southworth, un garçon très talentueux m'a procuré la musique et sa voix pour la chanson BCC. Idem pour Nick Thorburn que vous avez connu à Montréal (Unicorns, Islands); il a participé à Gee Whiz. Pour She Said Yes, j'ai travaillé avec Emily Wells, multi-instrumentiste américaine extrêmement douée. Elle a créé la musique de She Said Yes, que j'estime la plus belle de cet album.»

Le deuxième axe de la méthode, de poursuivre l'interviewé, fut légèrement différent: «Créer musique et textes, imaginer ensuite qui serait la voix idéale pour compléter le travail.»

Vient d'abord Gordon Downie, auteur, compositeur et chanteur de The Tragically Hip. «J'ai déjà tourné avec lui, mais il n'était pas un ami proche. Cela étant, je l'ai eu en tête dès le début du travail sur la chanson Whisper of the Waves. Il a accepté avec enthousiasme. Ce fut pour moi très enrichissant puisqu'il m'apparaît comme l'un des plus grands paroliers au Canada, j'ose affirmer qu'il est le numéro deux après Leonard Cohen.»

Buck 65 se limite à baragouiner le français, on ressent néanmoins le francophile en lui lorsqu'il soutient que Montréal est la plus culturelle des villes canadiennes, ou lorsqu'il rappelle avoir vécu un moment à Paris. On en déduit que ce passage a motivé la participation de la chanteuse Olivia Ruiz à la chanson bilingue Tears of Your Heart.

«J'avais d'abord connu Mathias Malzieu, son amoureux (et chanteur de Dionysos) alors que je me produisais à l'Élysée Montmartre. Quelques années plus tard, elle m'a elle-même joint pour que je collabore à sa chanson Elle panique. J'ai donc fait pareil. Olivia est une pop star, mais pour les bonnes raisons: très créative et usant d'une voix très typée.»

On ne s'étonnera pas que Rich Terfry tienne à diffuser du matériel francophone lorsqu'il anime le drive-home de CBC Radio 2. Et on comprendra pourquoi Buck 65 a sollicité notre Marie-Pierre Arthur afin qu'elle chante quelques rimes françaises de son cru.

«Je l'ai découverte dans le cadre de mon émission. J'ai pensé à elle pour la musique de Final Approach, car sa voix exhale beaucoup d'aisance et charrie beaucoup d'émotion. Lorsque je l'ai jointe, elle était à la fin de sa grossesse. Elle a beaucoup aimé ma musique, et m'a précisé qu'il fallait faire très vite! Elle a accompli un travail incroyable. Très talentueuse.»

Jointe à son tour, Marie-Pierre Arthur exprime une satisfaction non contenue quant à cette collaboration: «Le soir que j'ai enregistré à Montréal, je croyais que j'allais accoucher. J'avais été prise de contractions, mais l'accouchement a finalement eu lieu avec quelques semaines de retard. Fausse alerte, heureusement! Ainsi, j'ai adoré cette expérience, même si je n'ai jamais rencontré Rich en personne - tout s'est fait via l'internet. Voilà un garçon charmant, inspirant, libre, souple. J'étais intimidée au départ, mais j'ai vite senti qu'il me voyait comme son égale. Je recommencerais n'importe quand!»

BUCK 65

20 ODD YEARS

WEA