L'Orchestre Symphonique de Montréal n'a jamais expliqué la raison d'être de sa nouvelle série «Les Grands Québécois». Peu importe, à vrai dire: on a bien vu jeudi soir, au premier concert, qu'un nom seul suffit à remplir - ou à presque remplir - une salle comme Wilfrid-Pelletier. L'omniprésent Alain Lefèvre était de nouveau à l'affiche, cette fois comme pianiste, comme animateur et comme compositeur. Les Trois Alain Lefèvre ont remplacé les Trois Ténors et ont attiré plus de 2500 personnes.

Le concert était diffusé en direct sur ce qui s'appelle «Espace musique». Cette fois, il y a explication. Lefèvre présentait lui-même les pièces au micro, comme il le fait le dimanche matin à la radio; parfois, il prenait place à une petite table.

L'homme sait parler à une foule et celle-ci l'écoute, accrochée à ses moindres paroles, qu'il s'agisse de souvenirs d'enfance ou de propos simples sur l'art, la vie, la souffrance. Fin démagogue, il se présenterait à une élection et serait élu!

Concernant la musique entendue, mon premier choix va au Concerto en fa de Gershwin, qui conjuguait «meilleure oeuvre au programme» et «meilleure exécution de la soirée». Lefèvre n'a pu résister à la tentation de chauffer le piano-moteur au maximum dans les deux allegros où, de surcroît, l'orchestre lui répondait sur le même ton. À la limite, cette approche tonitruante se défendait. Miracle à l'adagio central: Nathan Brock, chef assistant à l'OSM, transforma la longue introduction en un envoûtant nocturne où Lefèvre se glissa petit à petit avec la subtilité d'un grand musicien.

Dans deux cas, l'OSM utilisait avec une pompe un peu ridicule le terme «création mondiale»: la version avec orchestre de la Valse de l'asile, pour piano seul, de Walter Boudreau, et Frénétique, le premier des 24 Préludes que François Dompierre vient d'écrire pour Lefèvre. Deux très bons petits morceaux cependant, et conformes aux titres : l'orchestre en décalages souligne le côté obsédant du Boudreau et le Dompierre est un boogie-woogie endiablé de deux minutes.

L'ouverture de Candide, de Bernstein, était de trop, la petite valse de Chostakovitch aussi.

Lefèvre compositeur monopolisait les 40 dernières minutes du concert avec cinq pièces sentimentales, dont l'inévitable Lylatov, le tout en d'efficaces orchestrations de Richard Savignac. Le contrebassiste Michel Donato et le batteur Paul Brochu participaient très discrètement à deux pièces. Devant l'ovation, Lefèvre ajouta une sixième pièce, Petite mère.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Nathan Brock. Alain Lefèvre, pianiste et animateur. Jeudi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Les Grands Québécois».