Après le remarqué New Wave, le quatuor punk-rock Against Me refait équipe avec le réalisateur Butch Vig pour son cinquième album, White Crosses. Discussion sur la Floride « rétrograde «, l'intégrisme musical et certains fantasmes de violence.

Chaque fois qu'il sortait de sa résidence de St. Augustine en Floride, Tom Gabel voyait les mêmes croix blanches devant l'église. Les mêmes 4000 croix avec des photos d'enfants et des pancartes militantes, pour représenter le nombre quotidien d'avortements aux États-Unis. «Ils appelaient ça le cimetière des innocents. Chaque fois que je passais devant, moi, j'avais envie de descendre de ma voiture pour piétiner chacune de ces putains de croix», raconte-t-il quelques heures avant son spectacle avec Billy Talent et Alexisonfire.

 

Nous sommes dans les coulisses du Centre Bell à la fin mars. Gabel confesse avec une petite gêne ses fantasmes de violence. Il les beugle un peu plus fort dans White Crosses, avec sa voix très travaillée.

Malgré cette pièce, le nouvel album est moins politique que les précédents. Plus personnel, et aussi un peu plus tourné vers le rétroviseur. Gabel n'emprunte pas toujours les chemins les plus poétiques pour parler de lui.

Il dit suffoquer à cause de «la vie moderne dans le monde occidental». Plus jeune, il semble que Gabel ait servi de sac d'entraînement aux petits tyrans de sa cour d'école. Dans White Crosses, il revient sur cet épisode où, en bon ado anarchiste, il voulait «mettre feu à la planète».

Parfois, on croirait entendre des refrains faits pour être écoutés le poing en l'air, en subissant la vie ou en attendant de passer ses maths 516. Mais ce serait oublier la petite et saine dose d'autodérision qui ponctue ses textes. «Il faut pouvoir rire de soi, explique-t-il. (...) Et puis, j'essaie quand même aussi de raconter plus d'histoires, de sortir de moi», tient-il à ajouter.

Côté musique, la progression se poursuit. Après ses débuts folk-punk anarchiste (!) puis sa période punk, Against Me confirme son léger virage rock avec White Crosses. Un virage facilité par la deuxième collaboration avec le réalisateur Butch Vig (Green Day, Smashing Pumpkins).

«On a pas mal travaillé en studio et même en préproduction avec lui, raconte Gabel. Ne serait-ce que par sa simple technique, Butch a influencé notre son. Mais je pense qu'on conserve notre identité dans le processus.»

En lisant sur Against Me, on constate que l'intégrisme existe aussi en musique. Plusieurs encensent le quatuor, mais certains le houspillent pour avoir osé changer de style. Timide et affable, Gabel ne semble pas se soucier des ces habituelles jérémiades sur l'authenticité punk.

Il précise de toute façon ne pas être un grand fan de la mouvance punk de la dernière décennie. «Ce qui m'allume musicalement, c'est Crass, et surtout les Clash, s'emballe-t-il. Leur style est tellement riche, ils osaient s'abreuver à plein de sources.»

Évidemment, la rythmique, l'instrumentation et le reste de la musique d'Against Me ne se compare pas à celle des Clash. Mais il n'y a rien de mal à viser haut. Et Gabel a plusieurs modèles intéressants. «Avec des amis, j'ai lancé un petit groupe hommage aux Misfits, confie-t-il. C'est juste pour le plaisir.»