Longtemps, elle a préféré se qualifier d'artisane. C'est connu, les meilleurs font généralement preuve d'humilité. Musicienne férue de toutes les avant-gardes, Hélène Prévost a passé une bonne partie de son existence à défendre et diffuser les musiques contemporaines à la deuxième chaîne de la Société Radio-Canada.

En tant que réalisatrice radio, elle y a brillé pendant trois décennies, soit de 1977 à 2007. Lorsque la Chaîne culturelle est devenue Espace Musique, elle fut de celles et ceux qui ne correspondaient plus aux nouveaux objectifs de la maison.

« La suite ? Ça a été de plonger dans une pratique de création. J'ai bousculé mon c.v. et je me suis laissée entraîner », résume celle qui peut désormais se définir comme une artiste à part entière.

En 2006, le nouveau cycle de sa vie pointait à l'horizon: Hélène entreprenait de travailler avec le compositeur Francisco Lopez, dans le cadre du projet Montréal matière sonore. «C'est lui qui m'a ouvert la porte, en faisant confiance à ce que je pouvais faire comme artiste.»

De toutes les époques de sa vie, Hélène Prévost a été aimée, respectée voire admirée par ses pairs. Ces dizaines et ces dizaines de créateurs qu'elle a défendus via la diffusion radio-canadienne ont pour la plupart ressenti la créatrice qu'elle n'a jamais cessé d'être. Aurez-vous déduit qu'elle a toujours choisi son camp. Projetée hors de l'arène médiatique, elle a dû revoir sa pratique et redevenir ce pourquoi elle est sur Terre.

«Les gens avec qui j'ai travaillé en tant que réalisatrice étaient curieux d'entendre ce que j'avais à dire. Cette communauté m'a invitée à jouer. Je n'ai pas le sentiment de rattraper le temps perdu, mais bien celui de me retrouver au coeur de ma vie. Bien sûr, mon expérience radio me porte, me nourrit, mais j'évolue désormais dans une très grande liberté esthétique. Dans le geste comme dans l'action. Je digère, je compose tout en sachant que j'ai passé ma vie dans les meilleures conditions. Aujourd'hui? Je n'ai plus rien à perdre et je n'ai plus de temps à perdre. »

Aujourd'hui, on imagine cette femme formidable continuer à soupeser gravement les enjeux de ses gestes, réfléchir aux impacts de chaque microdétail de son art, créer les conditions maximales de l'écologie humaine dans laquelle elle évolue. Pouvoir compter sur un esprit complexe n'exclut en rien le plaisir, la passion, l'empathie, le goût des autres. Hélène Prévost ne boude pas son plaisir.

«C'est une chance extraordinaire que de fréquenter l'univers sonore sous toute ses formes. De la matière la plus brute jusqu'au au foisonnement d'une grande partition.

Et j'adore travailler avec ces «expérimenteux», ces bidouilleurs qui ont aussi une grande expérience de l'improvisation et de l'écoute.»

Le grand bouleversement dans sa vie récente, soulève-t-elle en outre, c'est d'avoir changé son «point d'écoute».

«Le point de vue du diffuseur est passé à celui de l'émetteur. À la genèse même de l'acte. L'émetteur en tant qu'artiste. Au départ, je ne savais plus comment écouter et où écouter. Quand j'étais réalisatrice, j'enregistrais une performance ou je la captais en direct pour la retransmettre. Maintenant, je pousse la matière vers le dehors. Je suis ailleurs. Je suis embarquée dans la chaloupe. Je ne la regarde plus passer, je rame dedans.»

Ainsi, l'organisme Super Musique a donné carte blanche à Hélène Prévost.

«J'ai accepté à condition de pouvoir le faire avec des artistes avec lesquels j'avais envie de travailler, dont la façon de travailler pouvait s'harmoniser avec la mienne.»

Ainsi, naquit avariactions.

«Dans ce titre, se trouve un mot crucial: action. Le titre comprend aussi le mot avarie, accident si vous préférez. L'action importe davantage. L'action désigne cette série de décisions qu'un musicien doit prendre face à l'accident. Avec sa mémoire, sa culture, son instinct, son goût.»

Dans ce contexte, l'instrument que préconise Hélène Prévost est un «lieu de confrontation électrique, concrète, électronique».

«Au centre, une console me permet de mixer toute sortes d'affaires: des fréquences radios, des CD préparés par moi-même, des claviers, des pédales de distorsion, des micros contacts, du papier aluminium, un bol à salade, etc. Je ne travaille pas à l'ordi en direct. Et je travaille sans sonorisation conventionnelle. Nous avons tous apporté différentes enceintes qui produisent une acoustique particulière. »

Hélène Prévost réunit autour d'elle Steve Bates (électroniques, larsen), Nicolas Dion (enregistreuses, électroniques & objets), Anne-Françoise Jacques (électroniques, moteurs, mécanismes, fraudes et débris), Geoffrey Jones (circuits et lumière) et Éric Normand (électriques illusoires faits main, basse électrique et effets).

Dans ce lieu de confrontation, six improvisateurs créeront sur le vif. Hélène Prévost, nul besoin de l'ajouter, sera dans son élément.



Avariactions est présenté le mercredi 12 et le jeudi 13 mai 2010, à La Chaufferie,

2220 rue Parthenais (métro Frontenac). Deux représentations sont prévues chaque soir: 19h30 et 21h. Pour infos : www.supermusique.qc.ca