Après s'être baigné dans «l'océan musical» d'un mégaspectacle avec des centaines de choristes, Richard Séguin s'attendait à des difficultés lorsque viendrait le temps d'en tirer un album. «Je croyais qu'avec ces 400 voix captées par 48 micros, il faudrait un gros travail d'équilibrage... mais non! Les choeurs étaient si bien répartis, et la qualité vocale si grande, que tout s'est réalisé sans heurt. Je n'en reviens pas!» raconte-t-il en tenant dans ses mains Séguin et le Grand Choeur.

Les 13 chansons de l'album ont été choisies parmi les 21 présentées au Grand Théâtre de Québec, au Théâtre de La Baie, à la Place des Arts, puis en France. On y retrouve, transfigurés, «magnifiés», comme le dit si bien Séguin, ses titres les plus connus, tels Aux portes du matin, Journée d'Amérique, Sous les cheminées et L'ange vagabond, mais aussi des pièces rarement jouées en spectacle, dont Porteurs d'eau, In Deo et Terre de Caïn. Ces pièces plus ou moins connues deviennent nouvelles dans cet environnement musical unique.

«C'est une expérience qu'on ne vit qu'une fois dans une vie d'artiste. J'en rêvais depuis sept ans, soit depuis ce jour où j'ai vu, rue Cartier, l'affiche du premier spectacle du genre, avec Jean-Pierre Ferland. Je le trouvais tellement chanceux!» déclare Séguin, qui n'a pas manqué d'en parler avec ses prédécesseurs, les Ferland, Vigneault, Piché, Dubois et Lavoie. «Lorsque j'ai enfin été choisi, j'en ai ressenti de la fierté, puis je me suis senti un peu nerveux devant pareil défi. J'en ai discuté avec Daniel Lavoie, qui venait de vivre cette grande expérience; il m'a simplement dit: «Laisse-toi porter par la vague!» C'est si efficace que j'ai transmis le conseil à Michel Rivard, qui se prépare pour cet automne.»

Nouvelle tradition

Richard Séguin se réjouit de cette nouvelle tradition des spectacles chorals, instaurée en 2003 par Marcel Auclair: «On est en train de créer un patrimoine de chant choral bien québécois; ça change de When the Saints Go Marching In! Pendant un an, des centaines de personnes ont répété mes chansons et les ont apprises par coeur, comme cela est arrivé à beaucoup d'autres choristes avec les compositions des Vigneault, Ferland, Piché, Lavoie.»

Fier de son nouvel album, Séguin m'en a fait écouter des extraits, s'étonnant encore d'entendre ses succès repris par des centaines de voix, lui qui les a si souvent chantés seul, d'entendre son «je» multiplié par 400 personnes. «J'ai composé beaucoup de mes chansons en imaginant que je les chanterais en groupe!»

On ne s'en étonne pas lorsque l'on sait que Richard Séguin a grandi dans une famille qui adorait le chant choral: «Mon père s'y intéressait beaucoup, et il nous faisait chanter ensemble. Avec le Grand Choeur, je me suis donc retrouvé en famille... une famille très élargie. Pour moi, le chant choral représente une fraternité possible, une solitude partageable.»

Dimension universelle

Entonnées par un si grand nombre de voix, ces chansons prennent une dimension universelle et se transforment souvent en hymnes. «J'ai écrit Le son des songes pour la chanter avec Florent Vollant, mais, repris par 400 voix, ce dialogue se transforme en hymne d'un peuple, le peuple autochtone, tout comme In Deo, chanté a cappella. Quant à la chanson Porteurs d'eau, elle prend ici tout son sens, elle parle beaucoup plus fort en faveur de la gestion responsable de l'eau. J'ai donc décidé de donner cette version chorale au collectif Eau Secours!»