D'une certaine façon, on peut entendre dès aujourd'hui le concert que donneront demain, salle Wilfrid-Pelletier, l'Orchestre du Mariinsky de Saint-Pétersbourg et le pianiste Denis Matsuev sous la direction de Valery Gergiev.

Deux récents disques de la marque maison du Mariinsky contiennent en effet les deux principales oeuvres au programme de demain soir. Sur le premier, Gergiev a groupé deux symphonies de Chostakovitch: la première et la 15e et dernière (celle qu'on entendra demain). Sur le deuxième, Matsuev joue deux Rachmaninov: le troisième Concerto (au programme demain) et la Rhapsodie sur un thème de Paganini.

 

Partageant son horaire entre l'opéra, le ballet et le concert, l'Orchestre du Mariinsky (l'ex-Kirov de l'ère soviétique) se révèle ici une formation de première grandeur. En même temps, il est clair que l'impression très forte que laisse cette audition, on la doit d'abord à l'électrisante présence du titulaire Gergiev et du soliste Matsuev.

Une surprise attend demain soir ceux qui ne connaissent pas la 15e Symphonie de Chostakovitch. Le compositeur vieillissant (il avait alors 65 ans) y cite plusieurs fois l'Ouverture de Guillaume Tell de Rossini (rien de moins!) et sombre ensuite dans des adagios aux plus étranges sonorités où la recherche de l'effet est par trop évidente. En total contraste, la première Symphonie, écrite à 20 ans, offre un mélange beaucoup plus sain de comique et de tragique. Gergiev exploite au maximum tout ce que contiennent les deux partitions.

On présente Denis Matsuev comme «le nouvel Horowitz». Je me méfie habituellement de ces clichés mais, cette fois, le rapprochement est assez juste. Du légendaire virtuose, le nouveau venu offre en effet cette fusion quasi diabolique de vélocité et de clarté, comme s'il se moquait des difficultés techniques. On regrette un excès de rubato au premier mouvement du concerto (où il choisit la cadence la plus difficile) et, surtout, une coupure de 13 mesures au troisième mouvement (sans doute sous prétexte que Rachmaninov fait cette coupure dans son enregistrement de 1939-1940).

Quoi qu'il en soit, Matsuev reste un pianiste d'envergure et un interprète très convaincant de cette musique dont Gergiev souligne abondamment l'aspect sentimental.

ORCHESTRE DU MARIINSKY. DIR. VALERY GERGIEV. Deux disques, sous étiquette Mariinsky:

CHOSTAKOVITCH. MAR0502 *****

RACHMANINOV. AVEC DENIS MATSUEV, PIANISTE. MAR0505 ****