La moins connue des pop stars britanniques, Charlie Winston, s'amène au Québec après avoir conquis la France, comme le reste de l'Europe francophone d'ailleurs. Presque inconnu dans son pays natal - et dans le reste du monde anglo-saxon -, Winston est devenu l'un des chanteurs les plus populaires dans l'Hexagone. Sa notoriété pourra-t-elle passer à l'ouest?

«C'est souvent une des premières questions que les journalistes me posent: pourquoi la France? Je n'ai toujours pas de réponse», admet l'auteur, compositeur et interprète pop-folk-swing-rock britannique, joint à Dublin, où il tente une percée.

 

Les goûts d'une collectivité, quel mystère, tout de même. Pourquoi le Québec a-t-il autant aimé le prog dans les années 70? Et Murray Head, et Shawn Phillips? Les Backstreet Boys? Pourquoi la France aime-t-elle autant le reggae depuis le début des années 80?

Charlie Winston se pose un peu ce genre de questions face aux chiffres de ventes de son deuxième album. Hobo est resté au sommet des ventes pendant un mois; il est encore dans le Top 40 plus d'un an après sa sortie. Alors que l'album arrive à peine chez les disquaires du Québec, son concert à L'Astral, jeudi prochain, affiche déjà complet.

«Je ne sais pas pourquoi ma musique est bien accueillie par les francophones, poursuit-il. Mes parents écoutaient beaucoup de musique, j'ai grandi avec la chanson, Brel, Piaf, ces trucs-là. Je crois que le côté classique, vintage, de ma musique leur plaît. Ça lui donne un caractère distinct. Et les Français sont un peu comme des éponges, il me semble. Lorsqu'ils craquent pour un artiste, ils en veulent jusqu'à la dernière goutte!»

Le swing, acoustique et vaguement gitan, l'intro sifflée, la voix au timbre chaud et tragique de la chanson Like a Hobo qui l'a fait connaître, tout ça a fait mouche, c'est certain. Dans le paysage pop, Winston, découvert il y a quelques années par le label Real World de Peter Gabriel (qui l'invitait à faire ses premières parties en 2007), détonne. À contre-courant des modes, totalement.

«Je n'ai jamais voulu être étiqueté. J'étais toujours très frustré lorsque je tournais en Angleterre pour présenter mon travail aux gens de l'industrie. Ils ne comprenaient jamais ce que je faisais. Ma voix leur plaisait, mais côté style musical, ce n'était jamais le bon moment, selon eux. On ne savait pas sur quelle tablette me mettre au Virgin MegaStore.» De toute évidence, à la FNAC, on n'a pas eu ce problème.

Charlie Winston est issu d'une famille d'artistes et d'hôteliers de la région de Suffolk: la maman peintre, le frère et la soeur (prénommée Vashti, comme l'amie de la famille, Vashti Bunyan) poursuivant leur propre carrière musicale. Winston raconte avoir toujours été encouragé à exploiter sa créativité. «Ils ne nous imposaient aucune règle, nous laissant la chance de devenir des artistes.»

S'il était artiste depuis longtemps, il est enfin parvenu à en faire une carrière, d'une manière qu'il admet être inhabituelle. «Si je devais recommencer ma carrière à zéro, ça se passerait exactement comme ça, par la France. Je ne changerais rien à ce qui m'arrive. C'est une sacrée belle histoire. D'abord parce que je suis heureux, et que je ne suis pas si loin que ça de l'Angleterre», dit Winston, qui habite Paris depuis son succès.

Alors, votre français? «C'est pas mal, mais c'est pas parfait. J'ai besoin de beaucoup pratiquer», baragouine Charlie Winston avant de renouer à sa langue maternelle et son accent distinct.

Pardonnez le cliché, mais son histoire est immanquablement celle du prophète qu'il n'est pas dans son pays, comme dit l'adage.

«Right, yeah, yeah, yeah... Definitely! répond-il. C'est drôle: je faisais une entrevue avec un média en Angleterre, on avait alors eu vent de mon succès en France. Or, de l'avis du journaliste, les Français étaient ignorants parce qu'ils ne comprenaient même pas les paroles de mes chansons... La réalité, c'est qu'en Angleterre, on ne porte pas vraiment attention aux textes non plus. N'est-ce pas ironique? L'Angleterre est reconnue, de toute façon, pour mettre les gens sur un piédestal et les débarquer ensuite.»

Alors que les Français, ces éponges...

Charlie Winston, en spectacle à L'Astral le 11 mars.