Dans le DVD qui accompagne l'album Live in London des Pretenders, Chrissie Hynde est telle qu'on l'a connue au début des années 80: filiforme, sexy, la frange dans les yeux beurrés de mascara qui lui dégouline sur les joues comme un Alice Cooper première époque. Attitude 100% rock'n'roll!

«Je n'ai pas beaucoup changé, dit la rockeuse de 58 ans au bout du fil. Je ne suis pas la reine de la réinvention. Je fais toujours à peu près la même chose, quelque chose de simple...» Elle cherche ses mots, puis ajoute: «Je vois des gens de mon âge qui ont un look très différent aujourd'hui... et d'autres qui ont exactement le même look.»

 

Jeff Beck, par exemple, qui a encore et toujours la chevelure, l'accoutrement et la dégaine du jeune Yardbirds des années 60, les rides en prime? Chrissie Hynde acquiesce: «Je vais justement le voir jouer demain.»

Quand, dans la jeune vingtaine, Chrissie Hynde a quitté son Ohio natal pour vivre son rêve au pays du rock britannique, elle s'est d'abord lancée dans le journalisme rock. Dans la très bonne biographie de Brian Eno (On Some Faraway Beach: The Life and Times of Brian Eno), parue l'an dernier, David Sheppard raconte l'interview qu'Eno accorde à la jeune et verte journaliste du New Musical Express en 1974. Drapé dans un kimono de satin rouge, Eno-le-flamboyant reçoit mademoiselle Hynde à la maison, lui cause pornographie et s'empresse de lui montrer combien ses poils pubiens sont bien épilés.

Chrissie Hynde dit ne pas se souvenir de cette interview pas tout à fait comme les autres: «C'était il y a plus de 30 ans.» De toute façon, ajoute-t-elle, sa carrière de journaliste rock a été très brève: «Je n'ai jamais eu l'intention d'être une journaliste de musique. J'ai rencontré quelqu'un dans un pub, je lui ai dit ce que je pensais d'un disque et il m'a proposé d'écrire pour lui. C'était Ian MacDonald, éditeur adjoint du New Musical Express. Puis j'ai perdu mon emploi de bureau, j'avais à peine de quoi vivre et comme je ne connaissais pas beaucoup de gens à Londres, je prenais tout ce qui passait. C'est alors que je me suis souvenue de cette proposition. Je n'étais pas journaliste, mais je m'y suis essayée. Je l'ai fait pendant environ un an puis on m'a demandé de faire des papiers rétrospectifs, mais ça ne m'intéressait pas de regarder en arrière. De toute façon, je n'aimais pas descendre des groupes. Si je croyais pouvoir faire mieux, je n'avais qu'à le faire moi-même!»

Le hasard a mis sur son chemin trois musiciens doués de Hereford, le guitariste James Honeyman-Scott et le bassiste Pete Farndon, victimes de surdose à quelques mois d'intervalle au début des années 80, et l'indestructible Martin Chambers que Hynde présente dans le DVD comme «le meilleur batteur rock au monde». Au fil des ans, d'innombrables jeunes musiciens ont succédé aux deux disparus sur les bancs de l'école du rock de madame Hynde.

«Tout le monde veut faire partie d'un groupe, insiste Chrissie Hynde. Et tout le monde aimait James Honeyman-Scott, l'un des derniers grands guitar heroes. Sur le plan musical, les premiers Pretenders ont été un vrai band classique et n'importe qui aurait voulu en faire partie. Je n'ai jamais été attirée par une carrière solo; tout le monde semble vouloir se lancer là-dedans, pas moi.»

Le DVD Live in London, filmé au Shepherd's Bush par les frères montréalais Pierre et François Lamoureux, rend bien l'essence même du rock, son énergie et sa proximité, sans fla-fla aucun. «Je savais que notre band était hot et je voulais avoir un document pour en témoigner, raconte Chrissie Hynde. Quand on a vu les extraits de spectacles qu'ils nous ont envoyés, tout le monde était d'accord: il fallait que ça soit ces gars-là! Ils ont filmé notre concert de façon très intelligente, sans essayer de nous faire passer pour ce que nous ne sommes pas. C'est brut et direct, mais c'est vrai.»

S'appuyant sur un Martin Chambers toujours aussi solide, les Pretenders actuels portent dignement le flambeau de leurs prédécesseurs. Le joueur de pedal steel américain Eric Heywood ajoute à cette musique qu'on connaît par coeur des couleurs qui lui vont plutôt bien. «Je voulais une couleur un peu country, probablement parce que je n'ai jamais touché à ça avant notre dernier album studio Break Up the Concrete», explique Chrissie Hynde.

Les Pretenders ne nous rendent pas souvent visite, mais ce n'est pas l'envie qui manque à la chanteuse de faire une tournée canadienne. On n'a pas oublié la Chrissie Hynde du milieu des années 80 qui s'était agenouillée sur la scène du Forum pour baiser le plancher où Iggy Pop venait de se produire. Elle non plus, d'ailleurs: «J'étais mortifiée, se souvient la parfaite gardienne de la tradition rock. Iggy a toujours été mon héros numéro un et de le voir monter sur scène avant nous, c'était une pilule difficile à avaler.»

ROCK

THE PRETENDERS

LIVE IN LONDON

STROBOSONIC/ WARNER