Le Horla, classique de la littérature française, profite d'un nouveau souffle grâce à The Box. Toujours vivant alors qu'on le croyait mort, le groupe montréalais vient de lancer un nouvel album aux couleurs rock-progressives qui met en musique l'inquiétante nouvelle de Guy de Maupassant.

«L'idée vient de loin, explique Jean-Marc Pisapia, fondateur et leader suprême de The Box, qui a découvert Le Horla au début de l'adolescence. Mais quand on a commencé le groupe, au début des années 80, un projet comme celui-là ne serait pas passé. Avec la débâcle que vit l'industrie de la musique aujourd'hui, disons que c'est un peu plus facile de défier les lois du marché. Tant qu'à ne passer nulle part, autant y aller à fond.»

L'exercice s'est avéré moins facile que prévu, explique le musicien. D'autant que toutes les chansons sont en français, une première pour The Box, qui nous a surtout habitués à la langue de Shakespeare. Comment, en effet, mettre ce texte phare à la sauce rock, sans dénaturer son essence, sa densité et sa qualité d'écriture?

«Au début, j'étais paralysé, admet Pisapia. La barre était haute. Mais de fil en aiguille, ce monstre-là a pris une vie à lui. Je n'ai conservé que quelques passages intégraux et adapté le reste. Ça m'a pris trois ans pour le faire...»

Un commentaire social

Entre l'horreur et le fantastique, Le Horla raconte comment un homme se voit soudain traqué par une entité invisible, qui le vide progressivement de sa substance. On dit que cette histoire faisait écho au mal dont était rongé Guy de Maupassant, à savoir une syphilis qui finira par l'emporter en 1893, à l'âge de 43 ans.

Mais Jean-Marc Pisapia, lui, préfère y voir une oeuvre à contenu social sans compromis, qui n'a rien perdu de sa pertinence. «Maupassant s'est servi d'un véhicule de science-fiction pour passer un commentaire sur le monde. Le Horla, c'est une nouvelle espèce qui surclasse l'être humain. Or, c'est quelque chose qui pourrait nous arriver, si on continue à se comporter comme des imbéciles. Tu peux dire que je suis pessimiste, mais on est là plus que jamais...»

Sans surprise, le nouvel album de The Box navigue en eau sombre, avec des pièces à développement - Mont Saint Michel dure plus de 10 minutes! - qui se situent très loin de ses succès pop des années 80. En ce sens, Pisapia poursuit le travail amorcé dans Black Dog There, l'album «de la résurrection» lancé en 2005.

L'écrivain aurait-il apprécié cette relecture «prog» et hautement personnelle de son oeuvre?

«Il aurait été horrifié! lance le musicien. Le Horla a été écrit en 1887. C'était une époque de renouveau artistique et de bouleversement de l'ordre établi. Il était sûrement très ouvert, mais il y a des limites. Il voudrait probablement que j'enlève mon gros drum!»

EN UN MOT

Fondé à Montréal, The Box a connu quelques gros succès new-wave pop dans les années 80 (L'Affaire Dumoutier, Closer Together, Ordinary People). Le Horla est son sixième album.

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