Loudon Wainwright dit le troisième, fils de feu Loudon Junior (qui fut éditeur du réputé magazine Life), père des célébrissimes Montréalais que sont Martha et Rufus, ex de maman Kate (séparés depuis 1977); père de Lucy Wainwright-Roche et d'Alexandra Wainwright-Kelly, nous cause d'une escale rarissime qu'il a planifiée dans notre île.

«J'ai vu Martha l'autre soir, elle m'a dit qu'elle pourrait assister au spectacle de Montréal et que nous pourrions entonner une chanson ensemble. Lorsque les Wainwright se trouvent dans la même bâtisse, il y a de fortes chances que ça se produise! J'ai donné un concert à New York il y a quelques jours, Rufus, Martha et Lucy (Wainwright-Roche) sont venus chanter à mes côtés. Grande soirée familiale! Oui, je sais que c'est une marque de commerce, mais nos auditoires apprécient et nous avons du plaisir à le faire. Il y a une connexion entre nous.»

Loudon Wainwright III ne se souvient pas de la date exacte de son dernier concert à Montréal. «Il y a 10 ou 15 ans... quelque chose comme ça. Au Club Soda, je crois... Je suis étonné, d'ailleurs, d'être invité à ce festival Pop Montréal, je ne suis pas sûr d'y retrouver plusieurs fans. Nous verrons bien.»

On s'empresse de le rassurer: il n'est pas le seul invité de sa génération à Pop Montréal, un festival fondé sur la pop de création - Buffy Ste-Marie, Os Mutantes, etc. Quarante années de chansons signifiantes peuvent mener ailleurs qu'au sommet des palmarès, n'est-ce pas? Dans le même ordre d'idées, on lui indique que fiston Rufus a déjà dit de ses parents, qu'il considère comme d'excellents artistes, auraient mérité un meilleur sort, à tout le moins un meilleur sort financier. Au bout du fil, pas la moindre vibration d'amertume.

«Je n'accorde pas d'importance au glamour de la pop culture. Ça ne me dit rien d'intéressant et je préfère exercer mon métier de la manière que j'ai choisie. Ainsi, je gagne ma vie essentiellement avec la tournée - après Montréal, d'ailleurs, je pars avec Richard Thompson pour 25 spectacles aux États-Unis. Je n'aime pas toujours voyager, remarquez, c'est quand même une existence difficile. Mais j'aime toujours donner des spectacles, travailler avec des artistes de talent, enregistrer mon matériel original. Je suis un homme heureux, j'adore mon métier. Mon rêve s'est réalisé.»

De quoi est-il le plus fier? Loudon préfère s'en tenir au présent et à l'avenir: «Je suis toujours excité par ma dernière chanson, mon dernier album. Et je suis motivé par la prochaine chanson, le prochain enregistrement. Oui, je suis heureux des résultats atteints jusqu'à maintenant. Je crois sincèrement que mes disques sont plutôt bons!»

L'Américain de 63 ans est issu d'une génération qui a fondé l'art chansonnier sur le blues, le folk, le country ou le bluegrass. «Mon père, raconte-t-il, possédait une superbe collection d'albums. Country, folk, blues, mais aussi la musique de Broadway, le jazz. Tous ces genres m'ont marqué. Guitare en bandoulière, j'allais en autostop au Newport Folk Festival quand j'étais adolescent. J'y avais vu Dylan ou Peter Paul & Mary, des gens un peu plus âgés que moi, mais aussi Doc Watson et Mississipi John Hurt ou Bill Monroe, des musiciens issus des générations antérieures, associés au blues, country, bluegrass, etc.

«Lorsque j'ai commencé à écrire mes propres chansons, j'ai été inspiré par ces formes musicales. Les cinq accords de guitare que j'ai d'abord appris à l'époque, je les joue maintenant très bien! (rires). D'ailleurs, je viens tout juste de lancer un album double inspiré d'un artiste country des années 20, Charlie Poole - High Wide & Handsome, étiquette 2nd Story Sound. Charlie Poole provient de la même époque que The Carter Family, Jimmy Rogers, etc. Il n'écrivait pas de chansons, il était un artiste de variétés, un joueur de banjo très original, un musicien très spécial. Il est mort à 38 ans, en 1931.

«Il a popularisé une bonne centaine de chansons, incluant un vrai tube lancé en 1925, Don't Let Your Deal Go Down, vendu à plus de 100  000 exemplaires. Puis, il est retourné dans l'ombre jusqu'à sa mort... Il a chanté des novelty songs, des chansons amusantes, chansons familiales, chansons sentimentales. Il a chanté les mères, il a chanté la mort, les trains, l'alcool, des sujets que j'ai aussi abordés. Charlie Poole évoque chez moi cette ruralité, ces string bands qui amusaient les populations sudistes au début du siècle précédent. Avec Dick Connette, nous avons fait 30 chansons, plusieurs de Charlie Poole et neuf originales.»

On lui lit alors l'extrait d'un texte de Joe Henry à son sujet, publié dans la pochette de Recovery, excellent album réalisé par Henry en 2008: «Pour plusieurs auteurs-compositeurs, Loudon est ce qu'Edward Albee est à la dramaturgie ou ce qu'est Gene Hackman au jeu d'acteur : avec de petits gestes, il dessine le grand portrait, il incarne l'universel de la manière la plus convaincante lorsqu'il touche le privé, le personnel.»

«Well, de réagir l'interviewé, j'ai été très flatté par ces mots de mon collègue Joe, de surcroît un très bon artiste. Mais je ne suis certainement pas connu comme le sont Neil Young ou Bob Dylan. En fait, je ne suis pas plus connu que ne le fut Charlie Poole à son époque. Mais je travaille, je gagne bien ma vie, j'ai le sentiment de m'améliorer, et j'ai la chance de le faire en exerçant ce métier formidable.»

Loudon Wainwright III confie ne pas écrire tous les jours, bien qu'il tienne à la pratique quotidienne de la guitare. «L'inspiration, c'est comme la pêche. Tu mets ta ligne à l'eau, il se peut que ça morde. À force de pêcher, on développe des habiletés... C'est mystérieux.» Et le style, est-ce aussi mystérieux que la pêche, enfin... l'inspiration?

«On découvre son style au fur et à mesure qu'on crée. Personnellement, je l'ai trouvé en faisant des allers-retours entre le sérieux et une certaine folie fondée sur l'humour. Je cherche un équilibre entre musique et textes, mais je dois admettre que mes mots donnent l'élan au reste.»

Vous vous en doutez bien, on a gardé le dessert pour la fin. Ce que tous les fans des familles Wainwright et McGarrigle veulent savoir:

- Lorsque Martha, votre fille qui vous aime comme vous l'aimez, a écrit cette chanson vous étant adressée et dont le titre est si charmant (Bloody Mother Fucking Asshole), comment avez-vous réagi?

- J'ai fait la grimace. Après ça allait mieux. Vous savez, la vie est pleine de souffrance... Visiblement, cet épisode fait partie du passé pour ce père aimant.

«Je suis très heureux qu'ils aient choisi ce métier... et très fier qu'ils soient si talentueux. Je crois qu'il s'agit là d'une chose merveilleuse, même si ce métier exige parfois une existence dure et tumultueuse. Mes deux autres filles, d'ailleurs, ont aussi beaucoup de talent. Lucy Wainwright-Roche écrit des chansons magnifiques, allez l'entendre sur sa page MySpace! Alexandra Wainwright-Kelly, ma plus jeune, vient tout juste de commencer à jouer la guitare et le piano. So watch out

Dans le cadre de Pop Montréal, Loudon Wainwright se produit demain soir (jeudi 1er octobre), 22h, à la Fédération ukrainienne.