Coeur de pirate revient aux FrancoFolies, là même où à peu près personne ne la connaissait quand elle a fait la première partie de Benjamin Biolay au Club Soda, l'an dernier. La jeune femme qui s'installe à L'Astral avec ses cinq musiciens est désormais une chanteuse qui compte au Québec, en France et en Belgique. Retour sur un conte de fées en accéléré.

Coeur de pirate ne compte plus ses voyages outre-Atlantique depuis l'automne dernier: le premier contact, la tournée de promotion, un clip, un duo, les premières parties d'Arthur H. et de Julien Doré, ses propres spectacles, et même des vacances pour aller retrouver son amoureux, au cours desquelles on en a profité pour la faire travailler.

Quand la prestigieuse étiquette Barclay a lancé son album en France, en mai, on ne pouvait la rater: ses affiches étaient en évidence au Virgin Mégastore des Champs-Élysées et elles tapissaient les murs du métro parisien. C'est justement en mai, au sortir d'un des concerts à guichets fermés qu'elle a donnés à la Boule noire, dans Montmartre, que Nicolas Sirkis lui a offert de chanter avec Indochine au Festival d'été de Québec, sur les plaines d'Abraham. «C'était pas mal cool, dit-elle, j'ai pu choisir mes chansons, Le 3e sexe et J'ai demandé à la lune de l'album Paradize, que je connaissais; j'étais née dans ce temps-là.»

Béatrice Martin avait 13 ans quand Paradize est sorti, en 2002. On lui aurait dit que, sept ans plus tard, elle ne pourrait s'inscrire à l'université parce qu'on s'arracherait la chanteuse qu'elle serait devenue, elle ne l'aurait probablement pas cru. Même aujourd'hui, elle se garde un petit doute et dit des choses comme «l'été prochain, je vais faire beaucoup de festivals en Europe... si je vends encore des disques».

Ce n'est pas qu'elle soit timide. Elle cause tellement que les mots se bousculent pour sortir de sa bouche, et elle ponctue ses réponses de petites pointes d'ironie bien de son âge. Pas timide, donc, mais un peu épuisée par ce tourbillon qui l'a forcée à annuler un engagement au Yukon la semaine dernière.

«Je revenais de Belgique, je pleurais, je n'en pouvais plus, j'avais mal au coeur, je n'avais plus de voix, explique-t-elle. J'ai dit à mon manager: si je le fais, je vais craquer. Béatrice ne peut pas être malade, the show must go on. J'ai eu quelques jours pour me reposer, ça va mieux. Mais si je suis tellement workaholic, c'est parce que j'aime vraiment ce que je fais.»

Le personnage Coeur de pirate

Avec ses 19 ans, son joli minois, ses tatouages et ses confessions adolescentes sur fond de piano, Coeur de pirate n'a pas passé inaperçue. Elle me lance des chiffres impressionnants - près de 45 000 disques vendus au Canada, 30 000 en France, 10 000 en Belgique. «Du moment que j'ai chanté à l'émission Taratata, ça a fait comme ça, ajoute-t-elle en montrant le plafond du doigt. Ici, beaucoup de monde ne me reconnaîtrait pas dans la rue; en France, un jour, je me suis arrêtée sur l'autoroute et deux familles sont aussitôt venues me trouver.» Pourtant, dit-elle, ce n'est qu'à l'automne qu'elle saura vraiment «si ça marche», quand elle retournera en Europe pour une tournée de quelques semaines qui la mènera jusqu'à Londres.

À force de l'entendre parler du «projet Coeur de pirate», je lui demande si ce n'est pas pour elle un personnage qu'elle s'apprête à larguer après avoir exorcisé les histoires moches de son adolescence qui l'ont poussée à écrire des chansons.

«Cet album-là, je le défends encore, c'est toute ma vie, disons les cinq dernières années de ma vie résumées en un disque, insiste-t-elle. C'est sûr que je vais essayer de développer quelque chose de différent, j'ai de nouvelles chansons où je fais de la fiction, juste pour voir ce que ça donne. Mais Coeur de pirate, ça reste, c'est ma psychothérapie, ma façon de raconter mes problèmes sans que les gens s'en rendent compte. Je n'ai jamais raconté ce que j'ai vécu dans mon adolescence, il y a des gens qui ont vraiment exagéré et j'ai trouvé ça pas cool. J'ai été capable d'écrire ces chansons-là parce que je suis sortie avec des gars qui m'ont traitée comme de la merde, mais je n'ai pas baigné dans la drogue. Je veux que les gens sachent que même si je viens d'un milieu très aisé et que j'étais destinée à aller aux HEC, je me suis battue, j'ai sorti ma musique, même sans savoir si ça allait fonctionner ou pas.»

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COEUR DE PIRATE, À L'ASTRAL, CE SOIR (19 h), DEMAIN (20 h 30), SAMEDI (17 h, 20 h 30) ET DIMANCHE (20 h 30).