On a tous un juke-box dans le coeur où l'on conserve des chansons qui ont bercé notre enfance et brassé notre adolescence. Si on a eu l'occasion de voyager un peu, cette discothèque intime possède également un rayon consacré à la musique entendue à l'autre bout du monde. Des chansons «cartes postales» porteuses d'images et de sensations oubliées qui ressurgissent dès qu'on en entend les premières notes.

Le hic dans tout ça, c'est qu'on n'a aucune maîtrise sur ce qui est archivé. Et c'est particulièrement vrai pour ces chansons cartes postales: plongé dans une culture différente, on se laisse parfois séduire par des airs auxquels on n'aurait jamais succombé à la maison. J'en sais quelque chose: au Pérou, je me suis entiché de Te Quise Olvidar, une épouvantable ballade chantée par un boys band mexicain...

 

Quand un ami m'a dit récemment qu'il partait faire «le tour de la boule» avec sa famille, je me suis dit que je devais faire quelque chose. Hors de question qu'il en revienne la tête pleine de pop japonaise quétaine et de musique gitane pour touristes. Du moins pas seulement avec ça.

Me voilà donc avec un sacré contrat sur les épaules: créer la trame sonore du voyage le plus important de sa vie. Tâche que j'ai moi-même compliquée en lui promettant une compilation par pays visité: Japon, Indonésie, Turquie, Hongrie, Allemagne et Espagne. «Une seule pour tout le voyage, ce serait vraiment trop facile», ai-je fanfaronné dans un courriel.

Ne le dites à personne, mais j'ai besoin d'un coup de pouce. Il me faut 80 chansons et je n'en ai que la moitié. Je mélange un peu tout: musique traditionnelle, pop actuelle, électro et clins d'oeil à la limite du bon goût. Top secret: voici les points de départ des six compilations en construction.

Japon: Japanese Boy par Aneka

Tube incontournable du début des années 80, Japanese Boy mêle disco et éléments de musique traditionnelle japonaise. Mary Sanderson, chanteuse folk écossaise cachée sous le pseudonyme Aneka, va jusqu'à s'inventer un accent japonais! Un point d'ancrage ludique avant le choc culturel.

Bali: Janger Bali par Podjama

L'ensemble traditionnel indonésien est essentiellement composé de percussions: métallophones, gong, tambours, xylophones, etc. Ce son clinquant est ici amalgamé à une jolie flûte et un bon groove de basse. Dépaysant.

Turquie: Miserlou par Quadro Nuevo

L'origine exacte de ce thème associé au film Pulp Fiction ne fait pas l'unanimité. Avant d'être un tube surf rock, c'est un air populaire dans les traditions klezmer, grecques et turques. L'ensemble allemand Quadro Nuevo en propose une version sur son album Mocca Flor.

Hongrie: Sirba, Tropca

Emblème de la musique hongroise, le cymbalum est un instrument qui prend la forme d'une caisse de résonance (on dirait un petit piano) sertie d'une centaine de cordes sur lesquelles le musicien frappe avec de petits marteaux. Kalman Balogh en est l'un des maîtres. Il en joue ici avec vélocité, délicatesse et un certain sens de l'humour.

Allemagne: Komm, Gib Mir Deine Hand par The Beatles

She Loves You (Sie Liebt Dich) et I Want to Hold Your Hand (Komm, Gib Mir Deine Hand) sont les deux chansons des Beatles qui existent en version allemande. Heureux mélange de familiarité et d'étrangeté.

Espagne: Madrid, Madrid par Nilda Fernandez

Nilda Fernandez a enregistré cette chanson carte postale en 1992, comme en témoignent ces claviers douteux et datés. Sauf qu'il n'y a rien de mieux pour planter le décor madrilène et se préparer à ce que l'Espagne a de ringard.