À mi-chemin entre le sexe et l'amour, le trash et le glamour, le sérieux et l'humour, David Bowie et Serge Gainsbourg, Sébastien Tellier étonne et fascine. Entretien avec une bibitte de la pop française.

Au Québec, on connaît peu Sébastien Tellier. Mais en France, l'homme a une drôle de réputation. Sa prestation - en anglais - au concours Eurovision 2008 a fait couler beaucoup d'encre dans l'Hexagone. Son look de tueur en série, digne de Charles Manson, ne cesse par ailleurs d'alimenter son personnage de crooneur hors-norme, à la fois trash et glamour, que certains ont déjà comparé à Serge Gainsbourg.

 

Un pied dans l'underground, l'autre dans la chanson de variété, l'auteur-compositeur le plus étonnant de la pop française est de passage à Montréal pour présenter Sexuality, un cinquième album aux allures d'odyssée érotico-électronique. Occasion d'en savoir plus sur ce rejeton déjanté de la French touch, révélé mondialement par le succès de La Ritournelle et sa contribution à la b.o. de Lost in Translation (Fantino).

Faut-il le prendre le sérieux? Telle est la question...

«En France, on me prend pour un excentrique. Je passe à la fois pour un intello, un opportuniste, un poète ou un mec un peu bling bling. Généralement, je pense que j'ai une image beaucoup plus sulfureuse que je le suis dans ma vie réelle. Je suis vu comme un grand malade, alors qu'en réalité je suis plutôt raisonnable et que j'essaie d'être gentil avec tout le monde.»

Q Est-ce qu'on vous a déjà dit que vous n'aviez pas la tête de vos chansons? Là aussi, il y a un décalage. Votre barbe ne colle pas trop avec vos mélodies sucrées.

R C'est vrai que j'ai une voix fluette et que j'adore chanter dans les aigus. J'aime beaucoup la sensibilité féminine dans l'art. Et j'aime beaucoup les chanteurs mi-homme mi-femme comme Jagger, Bowie, Prince ou Michael Jackson. Je n'ai pas le physique d'une femme, mais j'adore devenir une femme dans les chansons...

Q Quelle est la part de second degré dans ce que vous faites? On ne sait jamais si vous être sérieux ou si c'est pour rire.

R Il y a le deuxième, et plein d'autres degrés, finalement. Mais en bout de ligne, tous les autres degrés sont faits pour servir le premier. Toute cette espèce d'attitude que je me donne, c'est fait pour servir un message très premier degré qui est tout simplement un message d'amour.

Q Votre dernier album a été produit par Guy-Manuel de Homem Christo, moitié de Daft Punk. Pourquoi ce choix? C'était une stratégie commerciale?

R Parce que je voulais faire un album sexuel et que moi, je suis plutôt cérébral et conceptuel dans ma façon de faire la musique. J'avais besoin de quelqu'un qui soit l'inverse de moi et qui fasse redescendre la musique au niveau du sexe plutôt que du cerveau. Or, Daft Punk a toujours su faire une musique qui s'écoute avec le bassin. Et puis bon, il fallait que l'album ait un petit quelque chose de glamour. Mes autres disques étaient plus complexes, plus introspectifs. Il fallait que celui-là soit plus attirant, plus digeste, plus facile à consommer. Si on parle de sexe comme un bouquin de Proust, ça ne le fait pas. Là, il fallait que ce soit comme un bonbon. Pour ce qui est de la stratégie, pas vraiment. Au-delà de son succès, la musique de Daft Punk reste assez étrange. Pour moi, ce sera toujours un groupe de l'underground.

Q Sexuality marque un virage plus électronique dans votre parcours, alors que vos premiers disques étaient plus près de la chanson d'auteur, genre folk psychédélique bidouillé. Quelle sera la prochaine destination musicale pour Sébastien Tellier?

R C'est très dur de parler de ce qu'on a dans la tête avant de l'avoir fait. Mais disons qu'en ce moment, j'aurais envie d'un son plus religieux. Je suis obsédé par la sagesse, alors j'aimerais bien quelque chose qui soit plus sage. C'est l'émotion que je veux créer. Mais comment la créer, ça, je n'y ai pas encore réfléchi.

Sébastien Tellier, au Cabaret Juste pour rire, le 7 avril, à 21h.