Ils sont relativement satisfaits, les producteurs de disques ayant réussi à prouver qu'ils avaient été induits en erreur par des gestionnaires du Programme d'entrepreneurs de la musique (PEM), administré à l'époque par Téléfilm Canada. Un jugement récent de la Cour supérieure a sommé l'organisme de leur verser 900 000 $ plus les intérêts, ce qui porte le total du remboursement à 1,3 million.

À moins d'interjeter appel à la décision de la Cour supérieure, Téléfilm devra remettre un peu plus de 313 000 $ au label Disques Atlantis, 526 000 $ à l'étiquette Productions M.P.V, et 22 000 $ à Disques Artiste (avant intérêts). Rappelons en outre que les réclamations de Disques Atma, Gestion son image inc. et Musicomptoir ont été rejetées.

 

On se souviendra que le directeur du PEM, Shelley Stein-Sacks, ainsi que l'analyste Nat Meranda, avaient préalablement assuré aux producteurs québécois qu'ils pourraient compter sur des montants substantiels qui ne leur ont jamais été remis. D'où la poursuite contre Téléfilm Canada.

«Nous avions des raisons valables de croire que nous allions recevoir ces sommes. C'est pourquoi nous avions engagé des dépenses afin de réaliser notre plan d'affaires, les délais du PEM étant prévus pour l'année financière du 1er avril 2002 jusqu'au 30 mars 2003», raconte le producteur Michel Sabourin, des Disques Atlantis.

«J'avais alors été obligé d'emprunter sur la base des promesses et des bons commentaires de Shelley Stein-Sacks au sujet du plan d'affaires de mon entreprise. Je lui ai fait confiance et j'ai amorcé la production. Finalement, j'ai essuyé un refus en février 2003, plus ou moins un mois avant la fin de la première année financière du programme. Sur les 26 plus importantes maisons de disques canadienne, seulement 13 avaient finalement obtenu des sommes.»

Michel Sabourin estime que les «dommages réels» de cette gestion du PEM sont plus élevés pour lui que le montant déterminé en sa faveur dans le jugement de la Cour supérieure: «J'ai perdu mon répertoire, j'ai été obligé de me placer sous la protection de la loi sur la faillite. J'ai alors conclu une entente avec mes créanciers, les montants garantis ont depuis été remboursés presque intégralement. Mais je suis maintenant hors compétition, je produis désormais un disque par année.»

Même son de cloche chez Martyne Prévost, qui était à la barre des Productions MPV en 2003.

«Ça a été une longue lutte, c'est une mince consolation même si le montant prévu par le jugement est intéressant. Ça a été rough! J'avais été obligée de cesser mes opérations de disques, je n'avais plus de liquidités pour produire et faire la promotion d'albums. J'ai dû ensuite fusionner mes entreprises, me réorganiser. À l'époque, j'avais Patou qui battait son plein à TVA, un disque était en chantier. C'était vraiment un gros projet. J'avais aussi Groovy Aardvark qui sortait un nouvel album et Sophie Laganière, une artiste jeunesse sur qui j'avais investi énormément d'argent... et que j'ai dû laisser en plan.»

Paul Lévesque, patron des Disques Artiste (Bruno Pelletier, Marie-Pier Perreault, Mathieu Provençal), ne cache pas sa satisfaction même s'il craint que la partie ne soit pas encore gagnée: «On essaie de savoir si Téléfilm Canada ira en appel, on se frappe aujourd'hui à un mur. Mais je suis content pour le principe, même si je n'ai obtenu que 22 000$ dans ce jugement. Nous avions vraiment été induits en erreur. Je me réjouis également que ce programme (rebaptisé Volet entrepreneurs de la musique) soit désormais administré par le ministère du Patrimoine canadien plutôt que par Téléfilm Canada.»

«Après toutes ces complications, conclut Martyne Prévost, il serait assez odieux de la part de Téléfilm Canada que d'aller en appel.»