À l'occasion des traditionnelles cérémonies entourant l'anniversaire de la mort du King, disparu ce samedi voici 31 ans, certains rappellent que cette année marque aussi le 40e anniversaire de son grand come-back télévisé sur NBC.

Pour beaucoup, la prestation magnifique d'Elvis Presley, tout de cuir noir vêtu, sera son chant du cygne, avant la lente déchéance à Las Vegas.

Avec les Beatles et Jimi Hendrix en pleine gloire, le pionnier du rock 'n' roll n'avait pas choisi le moment le plus facile pour revenir, et pourtant ce fut l'un des meilleurs concerts de sa carrière. «Il faisait du sur-place depuis huit ou dix ans», avec des films oubliables et des chansons boudées du public, souligne Alan Stoker, historien au Country Music Hall of Fame, temple à la gloire de la musique country où Presley est honoré depuis 1998.

Les petits plats ont été mis dans les grands pour le 40e anniversaire de ce que les aficionados appellent le «'68 Special». La résidence du King, Graceland, a ouvert une exposition consacrée à l'émission, la maison de disques RCA a réédité un coffret contenant tous les morceaux, et le producteur de télévision Steve Binder sort un livre intitulé «'68 at 40: Retrospective» («Les 40 ans du '68: rétrospective»).

Elvis Presley «a dit qu'il avait peur d'aller à la télévision», explique Steve Binder. «Il a dit: 'la télé, ce n'est pas mon truc. Je ne suis pas à l'aise dans un studio de télévision', et je lui ai dit 'Pourquoi tu n'enregistres pas, et j'ajouterai des images?'». Résultat: une heure de spectacle enregistrée fin juin et diffusée le 3 décembre 1968 sur la chaîne NBC.

L'agent d'Elvis, le «colonel» Tom Parker, aurait préféré une émission de Noël dans laquelle le King interprétait ses chansons de circonstance préférées en compagnie de quelques invités de marque, mais Steve Binder voulait que le roi du rock 'n» roll chante ses propres titres, seul. La grande trouvaille consista à enregistrer un concert acoustique et improvisé devant un public restreint.

«On commençait à filmer à 9h ou 10h du matin et on continuait jusqu'à ce que ce soit bon. Après quoi, il rejoignait ses quartiers et invitait des amis pour taper le boeuf jusqu'au lendemain matin», se souvient Steve Binder. «J'étais sidéré par toute cette énergie, cet enthousiasme et ce plaisir après une dure journée de travail. J'ai pensé: 'c'est meilleur que ce qui se passe sur scène avec les numéros préparés'», dit le producteur.

Steve Binder insista jusqu'à ce que le colonel Parker l'autorise à recréer un concert improvisé pour la caméra. Le guitariste de Presley de longue date, Scotty Moore, le batteur D.J. Fontana et d'autres amis de la vedette furent invités pour mettre le King à l'aise. Il n'avait pas fait de concert depuis sept ans.

«Il n'y avait pas de plan du tout. Absolument rien, raconte Scotty Moore. Il ne savait pas ce qu'il allait faire. Je savais qu'il allait ressortir quelques-unes des vieilles chansons que nous avions jouées, ce genre de choses, mais c'est tout.» Le meilleur de la «jam session» fut diffusé à la télévision (RCA publia l'intégrale plus tard).

Au début, Elvis Presley semble nerveux. «Là, c'est censé être la partie informelle du spectacle où on s'évanouit ou on fait tout ce qu'on veut, surtout moi», plaisante-t-il. Le concert commence avec «That's All Right», et dès «Blue Suede Shoes», le King est revenu. Il a 33 ans, il est beau, en pleine forme et dégage une énergie animale. Il échange sa guitare acoustique pour celle, électrique, de Scotty Moore, martèle du pied le rythme de «Baby What You Want Me to Do» du bluesman Jimmy Reed.

C'est le début d'un nouvel âge d'or pour Elvis Presley, qui enchaîne les succès comme «Suspicious Minds», «In the Ghetto» ou «Kentucky Rain», triomphe à Las Vegas et à la télévision dans la spéciale «Aloha From Hawaii», en janvier 1973 - son dernier grand éclat artistique.

Au milieu des années 1970, le King ne sera plus que la caricature de lui-même, mais en 1968, il atteint les sommets. «Je pense que c'était l'honnêteté, le fait qu'il n'était pas contrôlé, ne lisait pas des phrases préparées, analyse Steve Binder. C'était dépouillé et c'était puissant. Je crois que c'était vraiment lui».