Au Festival de Lanaudière, le deuxième et dernier programme Liszt-Messiaen de «spiritualité au piano» faisait appel à trois excellents musiciens d'ici et se présentait en fait comme deux récitals distincts.

On revenait d'abord aux Harmonies poétiques et religieuses de Liszt. Jimmy Brière en jouait quatre, soit le même nombre que Inon Barnatan la veille, ce qui donnait presque l'intégrale des 10 pièces. On se retrouvait en plein Messiaen après l'entracte, cette fois avec les Visions de l'Amen où David Jalbert et Maneli Pirzadeh se faisaient face aux deux pianos.

Le moment le plus mémorable du concert ne fut pas celui qu'on pense. Pour le spectaculaire, ce fut incontestablement le Messiaen. Mais pour l'émotion, pour ce qui compte d'abord dans une expérience musicale, ce fut le Liszt.

Nous connaissons peu - trop peu - Jimmy Brière. Une pièce comme Invocation, avec ses torrents d'octaves fortissimo, requiert une immense technique et, à cet égard, Brière est pleinement nanti (deux ou trois notes ratées, parmi des milliers, ne sont rien!). Mais c'est avant tout l'interprète profond qui s'est révélé à nous mardi soir. L'intériorité dont il a rempli la longue pièce noblement intitulée Pensée des morts suffirait à le déclarer grand artiste. Voici une page qu'on n'entend jamais, peut-être parce qu'elle fait trop réfléchir... en plus de nous rappeler qu'il y a chez Liszt bien autre chose que du clinquant.

L'erreur d'avoir retenu l'insipide Hymne de l'enfant à son réveil fut corrigée par les arpèges absolument rageurs du descriptif Saint François de Paule marchant sur les flots.

Les sept Visions de l'Amen furent jouées à Montréal par Messiaen lui-même et sa femme Yvonne Loriod au moins deux fois (1962 et 1970) et, déjà, l'authenticité de la pensée «théologique» du maître me paraissait suspecte. Je continue à faire abstraction de sa verbosité et j'écoute simplement David Jalbert et Maneli Pirzadeh.

On imagine facilement les heures et les heures que les deux pianistes ont consacrées à ces 50 minutes de sauvage carillonnement synchonisé d'une extrémité à l'autre des deux claviers. J'ai la partition devant moi: tout est là, jusqu'aux moindres signes de dynamique. Mais était-ce vraiment la peine? Une soixantaine de personnes seulement l'ont pensé et, comme moi, ne le pensent peut-être plus...

Mais cela fait partie des risques que doit prendre un festival digne de ce nom.

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JIMMY BRIÈRE, pianiste: quatre extraits de Harmonies poétiques et religieuses, S. 173 (1845-52); Saint François de Paule marchant sur les flots, ext. de Deux Légendes, S. 175 (1863) - Liszt

DAVID JALBERT et MANELI PIRZADEH, pianistes: Visions de l'Amen (1943) - Messiaen

Mardi soir, église de Lavaltrie. Dans le cadre du 31e Festival de Lanaudière.