«Ambassadeur artistique» du Festival de Lanaudière, Alain Lefèvre avait le privilège d'ouvrir lundi soir, avec son jeune frère violoniste, le volet des concerts dans les églises. Celle de Berthierville, qui peut contenir 700 personnes, était remplie à sa totale capacité, malgré la chaleur qu'il y faisait. Des fans du nom Lefèvre, cette fois affiché deux fois, avaient même apporté leur chaise pliante.

Autant on est redevable à Alain Lefèvre d'attirer un public nouveau au concert et, qui plus est, à un programme aussi spécialisé que celui de lundi, autant on regrette que les deux musiciens n'aient pas profité de l'occasion pour lui inculquer les habitudes les plus élémentaires du concert.

Les gens ont applaudi après chaque mouvement sans exception. Cette manie rompt la continuité et détruit l'atmosphère. Un geste discret du violoniste et le public aurait immédiatement compris. Au contraire, on l'a vu esquisser un petit salut, ce qui n'a fait qu'encourager l'auditoire à continuer.

Programme spécialisé, ai-je dit. Les frères Lefèvre avaient misé sur deux oeuvres de compositeurs belges, la célèbre Sonate de Franck et celle, presque inconnue, de son disciple Guillaume Lekeu, mort à 24 ans - deux sonates d'ailleurs dédiées à l'illustre violoniste belge Eugène Ysaye, qui les créa.

Ils ouvraient leur programme avec une Ballade-Fantaisie d'André Mathieu, présentée comme une création, et qui s'inscrit dans la réhabilitation du compositeur entreprise par Alain Lefèvre. La pièce est variée mais trop brève (cinq minutes) pour laisser une impression durable. Notons en passant que le programme entier de lundi soir fera l'objet d'un enregistrement Analekta réalisé ces jours-ci.

Le Franck reçut une lecture superficielle, voire un peu lourde, qui permit simplement à David Lefèvre, très peu connu ici, de montrer qu'il sait jouer du violon. Pour découvrir le musicien, il fallut attendre le Lekeu. Il était clair que le travail de préparation avait porté sur cette partition très rare, révélée il y a 40 ans par un enregistrement de Christian Ferras (avec qui Alain Lefèvre la joua d'ailleurs).

Abstraction faite d'un passage particulièrement «bûché» au piano, l'oeuvre en trois mouvements trouva les deux frères dans une sorte d'état de grâce. Tout à coup, leur jeu collectif possédait la finesse, l'intériorité, la simplicité, voire la musicalité, qu'on attendait depuis le début.

Ovationnés à tout rompre, ils jouèrent, en rappel, la Vocalise de Rachmaninov.

_________________________________________________________

DAVID LEFÈVRE, violoniste, et ALAIN LEFÈVRE, pianiste. Lundi soir, église de Berthierville. Dans le cadre du 31e Festival de Lanaudière.

Programme :

Ballade-Fantaisie (1942) - Mathieu

Sonate en la majeur (1886) - Franck

Sonate en sol majeur (1892) - Lekeu