Alain Gravel vient de terminer sa première année à la barre de Gravel le matin à ICI Radio-Canada Première dans la région de Montréal. La semaine dernière, les sondages Numéris ont révélé que l'émission du matin était en baisse de plus de 18 % (auditeurs/minute) par rapport au printemps dernier, loin derrière le roi des ondes Paul Arcand.

Marc Cassivi: Je voulais faire avec toi le bilan de cette première année. T'as envie de continuer?

Alain Gravel: Ce fut toute une année, au-delà des chiffres, qui ne sont pas ma spécialité. Il y a du travail à faire aussi, j'en suis conscient. Les patrons sont venus me chercher comme journaliste, mais très rapidement, je me suis rendu compte qu'il fallait que j'apprenne à devenir davantage animateur. Je pense qu'il y a une différence entre le début et la fin de l'année. À ma première entrevue, j'ai sorti le «bat» de baseball avec le propriétaire du Beachclub, à 7 h moins quart. Mes patrons m'ont invité à la réécouter pour le fun! [Rires]

Marc Cassivi: Il faut trouver le bon ton le matin...

Alain Gravel: Mon mandat, c'est de trouver mon ton, trouver ma place, et de m'amuser. Il y a encore du travail à faire mais depuis mars, je commence à me payer le luxe de m'amuser. En travaillant très fort. J'ai bien des défauts, mais je travaille fort. Ça se passe beaucoup dans la tête, dans la confiance. Avant décembre, j'avais parfois l'air d'un chevreuil aveuglé par les phares d'une voiture. Après, les gens m'aiment ou ne m'aiment pas. Je n'ai pas de contrôle là-dessus. Il y a des gens qui me trouvent froid, d'autres qui me trouvent chaleureux, intelligent ou con. À chacun sa perception. Comme on disait autrefois en Union soviétique, c'est un bilan globalement positif...

Marc Cassivi: Il y a eu l'épisode Labeaume qui a ajouté du piment...

Alain Gravel: Je pense que j'ai très bien agi. J'ai gardé mon calme. Certains ont dit que c'était une très mauvaise entrevue. Je pense que c'était une très bonne entrevue. J'aurais pu lui sauter dessus. La seule chose que j'aurais dû faire, c'est interrompre la conversation une ou deux minutes avant, parce que ça ne menait nulle part. Il ne voulait pas parler. Les questions étaient très pertinentes. On a payé 400 millions et les Nordiques ne sont toujours pas là...

Marc Cassivi: Parlons de chiffres. Les cotes d'écoute du printemps sont sorties la semaine dernière. Il y a une baisse de 18 % par rapport au printemps dernier. Tu regardes ça et tu trouves ça inquiétant pour toi?

Alain Gravel: «Inquiétant», je ne suis pas rendu là! C'est sûr que ça m'a déçu. Quand je suis arrivé, les parts de marché étaient très basses. Il y avait eu beaucoup d'instabilité. On a remonté la pente à l'automne, progressivement. Ce qui m'a déçu, c'est qu'au dernier sondage, ça a baissé. J'ai un peu de misère à le comprendre dans la mesure où je me trouve meilleur. Peut-être que je ne suis pas meilleur! Mon émission a baissé. Celle d'Arcand aussi. Je ne veux pas me trouver d'excuses. Je fais ce que j'ai à faire. Les chiffres sont là. Qu'est-ce que tu veux que je fasse?

Marc Cassivi: La directrice générale de la radio [Patricia Pleszczynska] disait récemment que l'émission du matin était la locomotive de la chaîne, et qu'il fallait faire des ajustements. Elle a parlé de «mettre les bouchées doubles». Ça veut dire quoi concrètement?

Alain Gravel: On travaille pour l'automne sur une plus grande présence féminine. On nous l'a reproché au début, mais ça s'explique par le fait qu'Annie Desrochers, qui devait faire la revue de presse, a été nommée à l'animation du 15-18 en août. On jongle avec certaines idées. Il y a des ajustements qui se font aussi actuellement. Ça reste une émission d'actualités, au sens large. Je l'ai déjà dit: je ne veux pas faire ce qu'Arcand fait. Je ne veux même pas l'écouter. Je ne juge pas ce qu'il fait. Il y a de la place pour tout le monde. Je le dis souvent: ça ne me dérange pas d'être moins bon que les autres, mais je veux être différent.

Marc Cassivi: De quelle manière?

Alain Gravel: J'aime l'actualité, mais j'aime la bonne radio aussi. Des fois, je suis un peu nono dans mon humour. On me dit que ça n'existe pas beaucoup, les gens qui aiment à la fois La soirée est (encore) jeune et À la semaine prochaine. Moi, j'aime les deux! J'aime les entrevues serrées mais j'aime aussi le «human». Je pense que je me suis amélioré dans l'animation, mais très modestement, il y a encore du travail à faire.

Marc Cassivi: Tu sais ce que tu dois améliorer? Tu as des idées?

Alain Gravel: C'est dans la tête. C'est très abstrait. Il y a des entrevues que j'ai trouvées pourries et qui sont bien sorties, et le contraire. Il faut que je travaille l'accueil. Il faut que les gens sentent peut-être plus qu'ils sont chez nous. C'est comme si on venait de me donner une maison neuve. Il faut que je trouve quoi mettre sur mes murs! Je commence à le comprendre, et ça sort mieux en ondes.

Marc Cassivi: Tu dis: «Des fois je suis un peu nono dans mon humour.» Ton équipe semble parfois déstabilisée par ton humour...

Alain Gravel: Les gens ne me connaissent pas comme ça. Je dis tout le temps en blague que ma force, c'est d'être le dernier à comprendre. Quand j'ai compris, tout le monde comprend.

Marc Cassivi: Tu t'amuses avec ça. Tu en es conscient...

Alain Gravel: Je ne suis pas cave! Mais tu sais, des fois mes enfants me disent: « P'pa! Tu dis pas ça à la radio!» C'est pas grave... [Rires]

Marc Cassivi: Ça fait partie de la couleur de l'émission: « Oh non! Qu'est-ce qu'Alain va nous sortir?»

Alain Gravel: Ça dépend comment tu le prends. Si t'es à cheval sur les principes, que t'es vraiment un puriste, tu vas peut-être être déstabilisé. Je n'ai pas la culture pointue de Katerine [Verebely; chroniqueuse culturelle], par exemple, mais je ne suis pas cave! J'ai une culture générale. En même temps, il n'y a pas beaucoup de monde qui peut faire ça. Je peux te le dire, très modestement. Il y a des gens qui m'ont reproché mon âge! Je regrette, mais pour faire des entrevues serrées, pour avoir un peu de «background», pour trouver le moyen aussi des fois de toucher des choses que tu connais moins dans d'autres secteurs, et d'avoir tout cet éventail-là, ce n'est peut-être pas l'âge, mais ça prend du métier. Je m'en rends compte aujourd'hui.

Marc Cassivi: Que ça te sert...

Alain Gravel: À Radio-Canada, il y a les «Normes et pratiques», auxquelles nous sommes soumis. Il n'y a pas de filet. Ça dure trois heures et demie et, à un moment donné, tu es fatigué et tu baisses ta garde. Je voulais dire récemment que Katerine était quelqu'un de facile à vivre. Mais c'est sorti: «On sait bien, Katerine, vous êtes une femme facile.» Elle a ri et je m'en suis rendu compte. J'ai dit que je m'étais mis le pied dans la bouche. Certains me l'ont reproché. Personnellement, ça ne me dérange pas. Mais peut-être que ça choque les gens. Peut-être qu'ils avaient une autre perception de moi. Je sais qui je suis. Moi, ça ne me dérange pas. J'ai beaucoup d'autodérision.

Marc Cassivi: On t'a traité de mononcle. Ça t'a vexé?

Alain Gravel: Je trouve ça injuste. Je trouve qu'on a le «mononcle» facile. C'est quoi, être mononcle? Je ne suis pas dans le jet-set journalistique. Tu ne me vois pas souvent dans les premières. Je vis très proche de ma famille. J'ai des enfants très allumés, qui sont dans le milieu. Mon fils est journaliste, ma fille aînée travaille comme directrice de production. J'ai aussi une fille plus jeune. La plus belle chose que mes enfants me disent, c'est: «P'pa, t'es un gars tellement ouvert.» Je n'ai aucun tabou. Que je sois d'accord ou pas, je suis toujours ouvert à discuter. J'ai 58 ans. J'ai du métier derrière. Ce n'est pas tout le monde qui peut faire ça. J'ai trouvé qu'à mon égard, on avait été très injuste. En même temps, s'il y en a qui me trouvent mononcle, qu'est-ce que tu veux que je fasse?