On les décrit parfois comme des «pushers» de sujets qui tentent d'obtenir le «meilleur stock possible» pour leurs émissions, expliquent en ricanant les acteurs de l'ombre réunis à La Presse. Mais quelle influence ont-ils réellement? Notre discussion se poursuit.

L'influence des gens de l'ombre

Carole-Andrée Laniel: Je pense que notre influence repose beaucoup sur le lien de confiance que l'on établit avec notre animateur.

Marie-Claude Beaucage: Effectivement. [Pour ma part], ça ne fait pas longtemps que je connais Alain Gravel, mais notre lien de confiance s'est rapidement établi. Si je parle d'enjeux féministes, par exemple, ayant dirigé deux livres sur le sujet, il m'écoute.

Luc Fortin: Il faut être certain des sujets que l'on met en ondes, et toujours s'assurer d'avoir fait les vérifications nécessaires. D'où l'importance d'être entouré d'une bonne équipe de recherchistes! Si ton animateur fait une erreur en ondes, c'est sa crédibilité qui est mise à mal.

Question: Et si une entrevue se passe mal ou qu'un sujet tombe à plat, vos animateurs se retournent-ils contre vous?

Charles-Alexandre Théorêt: Si tu bookes un invité de marde, tu vas te le faire dire, mais tu seras aussi fâché contre toi-même. De la même façon que si ton animateur te scrape une entrevue qui avait du potentiel, moi, je suis en crisse. Avec Christiane [Charette], parfois, je sacrais mon camp [de la régie]. J'étais comme «tabarouette, elle l'a moffée, celle-là». Mais avec Christiane, j'ai un rapport très authentique qui me permet ça.

Luc Fortin: La moindre des choses, c'est que les animateurs lisent nos dossiers jusqu'à la fin. Ça m'est déjà arrivé de travailler avec du monde qui n'avait pas lu le dossier [alors que] je savais que j'avais la bonne twist. J'avais alors l'impression que j'aurais pu mieux faire l'entrevue moi-même.

Philippe Desrosiers: Mais en même temps, la seule personne qui va lire ton dossier, c'est l'animateur. Parfois, tu arrives sur les lieux d'une entrevue et c'est une rencontre entre deux individus. Il faut faire des deuils. Mon côté réalisateur me fait dire que quand c'est bon à l'écran, c'est bon. Peu importe le dossier.

Question: Vous considérez-vous en mesure d'influencer l'«agenda» public?

Marie-Pierre Duval: Ce serait prétentieux d'affirmer ça...

Philippe Desrosiers: La réponse est non pour moi.

Marie-Claude Beaucage: Moi je pense que Luc [Fortin] peut très bien le faire...

Luc Fortin: Parce que je travaille avec Paul Arcand. Lui, [il peut influencer l'agenda public], c'est sûr, puis nous, on vit avec ça.

Question: À Tout le monde en parle, n'avez-vous pas une influence?

Marie-Claude Beaucage: C'est vrai, ça! Quand Gaétan Barrette est passé à l'émission et qu'il y avait des mères d'enfants handicapés sur le plateau, elles ont pu passer leur message.

Carole-Andrée Laniel: Dans ce cas-là, c'est vrai. Quand on traite d'un sujet human, il y a plus souvent un développement.

Marie-Pierre Duval: L'influence que l'on a découle peut-être du fait qu'on s'écoute tous. Tout ce que les gens font ici, je le regarde. L'idée est de se distinguer par la suite. Moi, je suis branchée sur les émissions de radio le matin. C'est clairement une source d'information ultra-importante.

Marie-Claude Beaucage: [C'est vrai], on peut avoir une influence. Il y a tellement d'éditorial dans ce qu'on fait le matin. Si on décide de répéter une nouvelle et de la marteler constamment, ça rentre dans la tête des gens. [...] Par la suite, comme on dit dans le métier, la machine a horreur du vide.

Carole Bouchard: Et si Paul Arcand, Marie-France Bazzo ou Guy A. Lepage portent un sujet sur leurs épaules, il y a de fortes chances que ça touche les gens.