Les quotidiens nationaux deviennent de plus en plus chers en kiosque, poussant de plus en plus de lecteurs vers le numérique dont les abonnements sont vendus beaucoup moins coûteux.

Les deux quotidiens les plus vendus de France, Le Figaro et Le Monde, augmentent leur prix de vente au numéro de 20 centimes en ce début d'année. Vendu à 2,40 euros (3,60 $), Le Monde devient le quotidien le plus cher, alors qu'il coûtait un euro de moins en 2010.

La Croix et le JDD ont aussi augmenté le prix de leur version papier de 20 centimes, et Les Échos de 10 centimes, à 2,30 euros.

Ces augmentations régulières doivent compenser en partie la baisse des ventes en kiosque de l'ordre de 10% en 2015 pour les quotidiens nationaux et le repli des annonceurs.

Selon l'Institut de recherches et d'études publicitaires, la presse imprimée a vu reculer ses recettes publicitaires de 7,9% sur les 9 premiers mois de 2015. Et c'est dans les quotidiens nationaux que ce repli est le plus marqué (-12,4%).

Si les journaux papier sont chers, ils sont aussi plus difficiles à trouver. Quelque 4000 points de vente ont fermé depuis 2010, selon l'Union nationale des diffuseurs de presse. Il en restait environ 25 000 en 2015.

Du côté du Monde, l'augmentation du prix en kiosque permet d'investir «dans la qualité et la quantité de son équipe de journalistes», souligne Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde.

Le groupe a recruté en 2015 et fermé son imprimerie historique d'Ivry-sur-Seine, qui plombait ses comptes.

Louis Dreyfus annonce ainsi un chiffre d'affaires stable en 2015, pour la première fois depuis sept ans, et un résultat d'exploitation de 6 millions d'euros, hors imprimerie.

«Un produit de luxe?»

Limité aux abonnements et aux achats occasionnels, le journal papier va devenir «un produit de luxe, de moins en moins diffusé», selon l'historien de la presse Patrick Eveno.

Les éditeurs de journaux continuent de miser sur les abonnements dont les recettes sont assurées, même s'ils sont moins rémunérateurs que les ventes en kiosque car offerts à prix cassés. Une formule comprenant un accès complet aux versions papier et numérique coûte environ un tiers du prix de vente en kiosque.

Les éditeurs veulent «faire passer tous les lecteurs vers le numérique, dans cinq ou dix ans», tout en évitant une hausse des prix brutale qui les ferait fuir, analyse Patrick Eveno.

«Tout augmente: les coûts de diffusion, le prix du papier», note Sophie Gourmelen, directrice de la diffusion des Echos, qui suivent «depuis plusieurs années une stratégie progressive d'augmentation du tarif au numéro» en kiosque.

Si les ventes en kiosque du quotidien économique ont baissé de 11% en 2015, les ventes numériques, elles, ont augmenté de 40% et représentent désormais 30% de sa diffusion, selon Sophie Gourmelen.

Malgré des ventes en kiosque en baisse d'environ 10% sur 2015, Le Monde continue de miser aussi sur le papier.

«Les publics du numérique et du papier ne sont pas les mêmes», assure Louis Dreyfus, confirmant que les jeunes sont des acheteurs de papier plus épisodiques. «Mais dès qu'il y a une actualité exceptionnelle, les lecteurs reviennent vers les kiosques. Ce serait une erreur d'abandonner ce vecteur».

La situation est différente pour la presse régionale qui, si elle voit aussi ses ventes chuter régulièrement, conserve de nombreux abonnés attachés au papier.

«Les quotidiens populaires vont subsister mais ils seront essentiellement diffusés par portage» sur abonnement, alors que les points de vente disparaîtront, prédit Patrick Eveno.