Les médias réussiront-ils à traverser la crise qui les secoue et si oui, de quelle façon? C'est la question à un million de dollars qui fait vivre une autre industrie, celle des colloques, conférences et symposiums consacrés à... l'avenir des médias (comme quoi le malheur des uns...).

Cette semaine, quelques grands spécialistes étaient réunis à Ottawa pour réfléchir, cette fois, à l'avenir des médias canadiens. Parmi les conférenciers invités, Robert Picard, grand spécialiste de l'économie des médias basé à l'Université Jonkoping, en Suède. Selon lui, s'il est vrai que les médias partout dans le monde traversent un moment crucial de leur histoire (en grande partie dû à la chute vertigineuse des revenus publicitaires qui les a rendus riches au cours des 50 dernières années), il ne faut pas perdre de vue qu'il y a quelques décennies, bon nombre d'entre eux avaient des entreprises qui leur assuraient une certaine rentabilité. Le Devoir, par exemple, a déjà eu une agence de voyages. «Retournez il y a cent ans, bien des journaux, surtout en Europe, avaient des librairies, des commerces qui leur permettaient de financer leurs opérations», note M. Picard qui semble convaincu que les médias devront revenir à cette formule pour survivre.

Selon lui, trois grands modèles vont se dessiner au cours des prochaines années. «D'abord, les médias commerciaux qui devront offrir d'autres services comme des conférences, des séminaires ou des services publicitaires à leurs meilleurs clients. Ensuite, on retrouvera des médias plus petits, communautaires, qui couvriront les nouvelles locales ou plus spécialisées comme l'environnement par exemple. Ces médias seront à but non lucratif et financés par des dons et des fondations. Puis, il y aura les diffuseurs publics comme Radio-Canada.»

Il n'y a pas que le nouveau modèle économique à trouver, il faut aussi s'adapter au contexte. On l'a souvent écrit au cours des derniers mois, les façons dont on s'informe sont en mutation: il y a le temps qu'on consacre à s'informer, mais il y a aussi le support qu'on consulte. Là encore, une profonde révolution est en cours. Or malgré les nombreuses mises en garde émises jusqu'ici, Robert Picard estime que les médias ne sont pas très bons pour se remettre en question et s'interroger sur ce qu'ils doivent changer pour répondre aux attentes du public.

C'est d'autant plus déplorable, selon lui, que le public est intéressé par l'information, il est même prêt à payer pour l'obtenir. Robert Picard évalue à environ 340 $ par année (soit environ 1 $ par jour) le revenu discrétionnaire que les gens sont disposés à dépenser pour obtenir des nouvelles. «Pas pour payer le jet du patron ni pour financer de grosses structures très lourdes, précise-t-il, mais bien pour avoir accès à des nouvelles exclusives et originales.»

Dans ce contexte, les paywalls (accès payants mis en place par le Wall Street Journal et bientôt le New York Times) sont une bonne idée qui fonctionnera pour les grands médias qui ont les moyens d'offrir un contenu différent qu'on ne retrouvera pas ailleurs. Les autres, ceux qui n'investissent pas dans leur contenu et qui offriront des nouvelles qu'on peut retrouver gratuitement ailleurs, n'attireront pas grand monde. À méditer.