Tricky a tôt fait d'inviter une tribu de fans sur scène pour y reprendre Ace of Spades, grand classique de Motörhead. La Scène verte est noire de monde... bon coup! Quatre musiciens, deux filles (basse et claviers), deux gars (guitare et batterie), une choriste bien en voix (Francesca Belmonte) donnent la réplique à leur énigmatique leader.

Sur scène, le longiligne Afro-Britannique à la voix rauque et qui chante si peu se la joue rock star. Devant une foule relativement modeste, il n'a plus grand-chose à voir avec le trip-hop dont il fut un des acteurs cruciaux, deux décennies plus tôt. Il mise plutôt sur un rock de transe mâtiné de blues, plus proche de Screamin' Jay Hawkins que de cette communauté visionnaire from Bristol, qui faisait la pluie et le beau temps au début des années 90 - Massive Attack, etc.

Les sonorités et grooves inspirés du récent Fake Idols, meilleur album de Tricky depuis une mèche, ne sont pas particulièrement mis en valeur. Dommage. On en reconnaît (à peine) des titres, on en identifie notamment l'échantillon de Chet Baker (sur Valentine)... et on se désintéresse progressivement de ce spectacle de variétés rock. Énergique, certes, mais bâclé.

Et revoilà la tribu de jeunes osheagiens qui inonde la scène, réunie par un sorcier ayant choisi des incantations inappropriées... et qui surfe sur son petit mythe. Il est temps de migrer vers d'autres concerts...

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À PRENDRE AU SÉRIEUX

Ce qui distingue les excellents créateurs électroniques comme Rone ne tient pas tant à leur connaissance profonde des technologies et des tendances fondamentales du genre qu'à la singularité de ce qu'ils en font.

Produire des variations d'intensité, déverser des flots de sons, générer des grooves de synthèse, voilà qui est relativement aisé pour quiconque se met sérieusement à cette lutherie. Faire de la musique vraiment originale, c'est une autre paire de manches. C'est vous dire qu'Erwan Castex (de son vrai nom) est parmi les rarissimes créateurs de musique électronique française à se démarquer. Donné samedi après-midi sur la scène Piknic Électronik, son set nous en a dit long sur son potentiel artistique.

Nous n'étions pas là pour tenter de circonscrire une tendance. Se dégageait plutôt un langage authentique, varié, nourrissant, personnel. Comportant plusieurs stations, l'itinéraire de 50 minutes auquel Rone nous a conviés n'avait rien de linéaire.

Il touche à tout et en tire un tout sensible et cohérent : dans la relecture live de son album Tohu Bohu (label Infiné), on repère l'électro anglaise (UK garage, dubstep, bass music, etc.), la techno de Detroit, la techno allemande, le hip-hop (avec participation virtuelle de High Priest, d'Antipop Consortium) et cette électro française dont il est en train d'écrire plusieurs pages du prochain chapitre.

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PAS DE GRAND SPLASH AU PROGRAMME...

The Breeders ont créé plusieurs chansons qui peuvent vous exciter le disque dur lorsqu'on vous les remet au programme après de nombreuses années. Particulièrement celles de l'album The Last Splash, lancé en 1993, et dont la tournée de 20e anniversaire s'arrêtait samedi à la Scène verte d'Osheaga.

Ainsi, on se réjouissait à l'idée d'entendre de nouveau les interprétations débridées, bellement sales de New Year, Cannonball, Invisible Man, No Aloha, Roi, Do You Love Me Now , I Just Wanna Get Along, et plus encore. Nées de la cuisse des Pixies, dont Kim Deal était la bassiste avant de devenir guitariste et frontwoman, The Breeders constituaient naguère l'une des formations phares du rock alternatif américain.

Qu'en est-il aujourd'hui?

Devant un public hybride, minorité de fans de la première ligne encerclés par une majorité osheagienne de jeunes curieux (18-24 ans), les jumelles Kim et Kelley Deal, Josephine Wiggs et Jim McPherson ont commencé avec aplomb. La juste dose de distorsion, les mélodies, les accroches, le rythme rock pas tout à fait carré. Belles retrouvailles en perspective! Et puis... au bout de quelques minutes, le rythme ralentit, on propose des musiques plus éthérées pendant qu'une bruine se met de la partie. La parenthèse s'étire, The Breeders perdent le fil pour ne le retrouver que vers la fin de cette prestation de 50 minutes.

Franchement, ça n'a pas splashé très fort...

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BOB MOULD

Ex-leader des formations Hüsker Dü (années 80) et Sugar (années 90), le chanteur et guitariste Bob Mould demeure l'un des rockeurs américains ayant inspiré la génération grunge et plus encore. Sur la Scène des arbres, il préconisait samedi un répertoire de chansons rock interprétées avec précision et testostérone.