C'est Tiken Jah Fakoly qui vous le crie: dernier appel pour l'Afrique... et les 28es Nuits d'Afrique! Le festival démarrait hier au Balattou avec Banda Kakana, du Mozambique, mais ne sera définitivement lancé qu'aujourd'hui avec le fameux reggaeman africain. Dernier appel, son tout récent opus, sera le plat de résistance d'une escale à l'Olympia.

Frais et dispos en ce lundi matin, dreadlocks bien en selle sur la caboche, sourire bienveillant. Le colosse est d'attaque pour une razzia médiatique avant de passer à la scène.

Les séances d'enregistrement de ce Dernier appel sont racontées:

«Comme le précédent, cet album a beaucoup voyagé. L'enregistrement d'African Revolution était passé par Paris, Kingston, Bamako et Londres. Les séances de Dernier appel ont commencé à Paris, nous sommes allés ensuite à Bamako pour enregistrer les instruments traditionnels et nous avons terminé le travail à Londres. Jonathan Quarmby, mon réalisateur anglais, a déjà travaillé avec Ziggy Marley et Finley Quaye, il aime aussi le feeling de la soul.

«Je compose des chansons, je chante. Pour le son, je laisse à d'autres. Je travaille avec des gens en qui j'ai confiance. Le but est de ne pas rester dans la monotonie. Il faut évoluer vers un son qui attire le plus grand nombre, un public qui n'écoute pas forcément du reggae. En tant qu'Africain, j'ai envie d'apporter une couleur au reggae.»

La transcription de l'album sur scène est abordée:

«Notre son live ressemble à celui de l'album. Nous avons conservé les instruments africains les plus importants: la kora, le n'goni et la guitare mandingue changent carrément la couleur de la musique. Nous avons aussi des instruments à vent: trompette, trombone, saxophone. Le reste de la formation est constitué de claviers, guitare, batterie, la basse et voix. En tournée, c'est la même équipe avec qui je travaille depuis un remaniement ministériel de 2004 (rires). Mes musiciens vivent tous en France, je suis le seul installé en Afrique. Ça évite les tracasseries de visa et ça économise les billets d'avion.»

Puisqu'on parle des tracasseries de visa, il revient sur la dernière nous concernant, l'ayant conduit à l'annulation d'un concert gratuit très attendu il y a deux ans:

«Les deux parents de ma manager étaient très malades. Dans la tourmente, elle n'a pas pris le temps de vérifier. Nous croyions sincèrement que mon visa pour le Canada était encore bon alors qu'il était périmé. Nous nous en sommes rendus compte à la dernière minute. C'était la première fois que cela se produisait. On s'est rendu compte à la dernière minute que le visa était périmé. C'est une faute que nous assumons entièrement.»

Comme son titre l'indique, l'album Dernier appel est porteur d'un  fort sentiment d'urgence. Tiken Jah résume:

«Le continent africain est connu à la télé pour ses guerres, ses famines, ses épidémies. Je veux plutôt en donner une image positive, et ainsi donner de l'espoir aux Africains. Car le monde occidental a réussi à leur faire croire qu'ils sont pauvres. Les pays qui alimentent l'Occident en matières premières doivent rester dans cette illusion. Je pense au contraire que l'Afrique est riche, qu'elle a tout pour avancer. Et c'est aujourd'hui que les Africains doivent prendre les dispositions nécessaires pour ne pas perdre leur part du gâteau.

«Mon rôle, en tant que leader d'opinion et de reggaeman, est d'attirer leur attention. Il y a urgence pour l'unité des Africains, pour l'union des 54 pays du continent. Si nous restons divisés, la Côte d'Ivoire ne pourra opposer quoi que ce soit aux États-Unis. Le Mali ne pourra refuser une décision de l'Union européenne.»

L'Ivoirien expatrié réitère sa fidélité à sa terre d'adoption, le Mali:

«J'ai connu un Mali stable et calme, alors qu'aujourd'hui le pays traverse un moment difficile. Il restera dans la tourmente et ne sera pas tranquille tant et aussi longtemps que la totalité de son territoire ne sera pas récupérée. J'ai décidé de rester à Bamako pour partager ce moment difficile. L'avenir? Je suis de nature optimiste. D'autres pays ont connu la même situation. Mais il faut que les Maliens fassent tout pour que la stabilité et la paix reviennent.»

Enfin, Tiken Jah justifie le sens direct de ses textes engagés:

«Moi, je fais du reggae comme en faisait Bob Marley. J'essaie tout simplement de suivre son chemin. Il y a 30 ans, il chantait Africa Unite. J'étais gamin, je chantais, je dansais et je ne voyais pas la portée de ce message. Aujourd'hui, tout à fait. Je fais du reggae parce qu'il me permet de prendre la parole.»

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Dans le cadre des 28e Nuits d'Afrique, Tiken Jah Fakoly se produit ce mercredi, 20h, à l'Olympia de Montréal. Il sera précédé d'Élété.