En ouverture des Nuits d'Afrique, l'Algérienne Hasna El Becharia a fait le bonheur des férus de gnawi. Mardi soir, la chanteuse et musicienne a soulevé le public venu remplir le Cabaret du Mile-End, public majoritairement composé d'Algériens et Maghrébins mais aussi de Québécois ouverts aux musiques de la Saoura.

Fleurit encore et toujours la musique gnawa dans cette zone désertique du sud-ouest algérien, en voici la preuve vivante.

Cette approche, force est de constater à quelques mètres de la scène, est extrêmement simple et... extrêmement addictive. Les motifs harmoniques et thèmes mélodiques comportent de très légères variations, l'essentiel de la composition est exprimé ad infinitium tel un mantra, une prière dont l'objet est de faire basculer dans la joie, l'abandon de soi, dans un certain au-delà.

Usant d'une voix reptilienne, Hasna El Becharia émet le thème vocal dans les basses fréquences, sa choriste lui donne la réplique pendant que battent les tambours - batterie, darbouka (tambour typique au Maghreb et dans le monde arabe), qraqab (castagnettes de métal), tambourine. La charpente mélodique est assurée par le gumbri, instrument traditionnel à trois cordes aux sonorités plutôt graves, ou encore par par une guitare électrique que la sexagénaire joue à la manière de son gumbri. On n'est pas très loin du blues, soit dans l'une de ses incarnations originelles et minimalistes.

Tout se passe ici dans la montée progressive de l'intensité.

On peut aisément imaginer l'impact hypnotique de cette répétition sonore dans les sociétés traditionnelles de l'Afrique du Nord, soit l'effet de transe qu'elle peut générer. Pas de transe repérable au Cabaret du Mile-End, cependant, mais... un nombre croissant de danseurs massés aux pieds des musiciens, tous fascinés par le personnage qu'incarne Hasna El Becharia. Sa détermination précoce à jouer cette musique exclusivement réservée aux hommes depuis des temps immémoriaux ajoute à la luminosité de son aura. À ses admirateurs montréalais, la pionnière du gnawi au féminin a d'ailleurs raconté en français ses démêlés avec le paternel qui lui interdisait de jouer le gumbri. Le ton était amusé, rigolard, en rien revanchard...

Comme le soulignait sa collègue Souad Asla en interview, cette femme forte n'a pas alimenté la rancune de l'oppresseur. Ses propos chansonniers ne sont pas particulièrement féministes, d'ailleurs. Des Algériens consultés sur place ont indiqué que cette grande artiste de Béchar chante plutôt son amour pour la vie, pour ses proches, pour le Divin.

Fascinante Hasna El Becharia!