Amplifié à la manière d'un concert rock, l'Orchestre symphonique de Québec s'apprête à faire vivre une tout autre expérience au grand public, immergé par une puissante sonorisation au service de Beethoven, Holst, Bernstein, Tchaïkovski, Wagner, Prokofiev, Barber, Ravel, Catalani et... Fiori.

Concepteur et producteur de ce «concert amplifié», Daniel Gélinas fit l'expérience du rock symphonique avec l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières (OSTR), dont il fut le directeur général. C'était «dans une autre vie», avant qu'il accepte la direction du Festival d'été de Québec, qu'il a assumée pendant une quinzaine d'années, jusqu'en septembre dernier.

«J'avais travaillé d'abord avec David Palmer, l'ancien claviériste de Jethro Tull, qui s'était alors recyclé dans l'arrangement et la direction d'orchestre. De concert avec l'OSTR, nous avions présenté des projets fondés sur les répertoires de Queen, Jethro Tull, Genesis ou Pink Floyd. J'avais ensuite développé d'autres concepts comme Brel et Piaf en symphonie, le tout arrangé par Gilles Bellemare. Pour interpréter Carmina Burana, l'orchestre de Trois-Rivières avait investi un univers théâtralisé: décors, éclairages et vapeur d'eau avaient ajouté à la performance.»

Un best of du classique

De retour dans son autre vie? Pas exactement: Daniel Gélinas a renoué avec ses projets symphoniques en mode rock, mais entend mener plus loin ses idées de jeunesse.

«Il y a un an et demi, j'ai mis sur pied de nouveaux projets avec l'Orchestre symphonique de Québec. Nous avions d'abord travaillé avec Peter Cetera [du groupe Chicago]. Le projet suivant était plus ambitieux, c'était pour moi un vieux rêve devenu réalité: présenter un best of des plus grosses tounes classiques.»

«Ces pièces ont traversé le temps, ce sont des hits qui prennent aux tripes. Tout le monde les a déjà entendues.»

Le concept de pop symphonique est inversé, dans le cas qui nous occupe: de grandes oeuvres symphoniques sont exécutées dans un environnement pop-rock. Daniel Gélinas croit dur comme fer à leur pouvoir fédérateur, bien au-delà des férus de musique classique.

Sono, scéno et effets spéciaux

Le concert avec Pierre Gagnon, son directeur artistique, il a ficelé les composantes de ce concert symphonique, en s'inspirant des spectacles prog qui ont marqué son adolescence.

«C'est pourquoi les musiciens sont amplifiés et qu'une sono puissante nous rentre dedans! Dans cet esprit, l'orchestre peut compter sur une scénographie rock avec des éclairages extrêmement dynamiques ou même quelques effets spéciaux.»

L'amplification d'un orchestre symphonique a-t-elle pour objet de maximiser l'expérience d'un public biberonné aux spectacles immersifs? Daniel Gélinas, lui, n'y voit que des avantages. 

«L'objet est de mettre en valeur les vedettes de ce concert: la musique et ses interprètes. On casse le moule, mais on comprend que cela puisse offusquer des mélomanes ou musiciens classiques. Normalement, le chef d'un orchestre symphonique est responsable de la sonorisation des oeuvres, de leur spatialisation. Dans ce cas-ci, c'est entre les mains d'un ingénieur du son; le maestro doit se concentrer sur les autres aspects de l'interprétation. Croyez-moi, cela génère des environnements sonores assez extraordinaires, merci!»

Pour ajouter au spectacle et à l'émotion générée par l'exécution, les éclairages conçus par Pierre Roy illustrent aussi le travail des instruments solos, comme on le fait dans le rock. «Ce n'est pas le cas d'un concert symphonique normal, où seul le soliste (instrumentiste ou chanteur) est mis en valeur», soulève Daniel Gélinas.

La durée de chaque exécution au programme est une autre caractéristique propre à ce concert amplifié. «Pour maintenir le rythme, il ne faut jamais dépasser sept ou huit minutes par pièce. Il faut choisir des moments doux, prévoir des montées dramatiques, sélectionner des passages explosifs. Vu leur longueur, certaines pièces au programme sont exécutées au complet, mais l'on doit sélectionner des extraits ou des mouvements pour d'autres oeuvres, comme la finale de l'Ouverture 1812 de Tchaïkovski ou celle de L'oiseau de feu de Stravinsky.»

Entre L'Heptade et les Walkyries

Au Centre Bell, l'Orchestre symphonique de Québec (OSQ) sera dirigé par le maestro montréalais David Martin. Son employeur assure que de tels concepts lui sont familiers.

«Il a mené plusieurs expériences où l'orchestre symphonique va à la rencontre de la pop, dont une avec Daniel Lanois. Il dirige aussi des concerts de pop symphonique avec l'OSQ. Pour ce concert, il a signé un arrangement pour L'heptade d'Harmonium, présenté en fin de programme avec l'intervention de la soprano Natalie Choquette, qui interprétera aussi Wagner [La chevauchée des Walkyries] et Catalani [La Wally].»

Et pourquoi Harmonium? Serge Fiori est certes un grand artiste pop, mais quel est le rapport avec le reste du programme?

«Nous voulions démontrer que la mouvance prog n'est pas aussi différente de celle de la musique classique que certains le croient. Tant de grands musiciens du rock progressif ont aussi une culture classique», répond Daniel Gélinas.

Chassez le naturel...

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Au Grand Théâtre de Québec, ce soir, 20 h; au Centre Bell, demain, 20 h, dans le cadre de Montréal en lumière.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Natalie Choquette, Daniel Gélinas, Serge Fiori et le chef montréalais David Martin