Justin Freer est passionné de musique de film depuis sa tendre enfance. «C'est l'une des formes les plus importantes de l'histoire de la musique», affirme sans hésitation aucune cet Américain dans la mi-trentaine qui dirigera un orchestre symphonique et un choeur dans l'interprétation de la musique du film Gladiator à Wilfrid-Pelletier, samedi soir et dimanche.

Mais plutôt que d'être à l'abri des regards dans une fosse comme à l'opéra, les musiciens seront sur la scène pendant que sera projeté en haute définition sur un écran géant au-dessus d'eux le film mettant en vedette Russell Crowe.

Gladiator, qui a remporté cinq Oscars en 2001 dont celui du meilleur film, est le tout premier film que la société CineConcerts, fondée par Freer, a proposé en formule orchestrale, il y a deux ans.

L'histoire du général romain (Crowe) déchu qui voudra se venger du vil fils de l'empereur (Joaquin Phoenix) qui a tué sa famille se prête tout naturellement à une première prise de contact avec cette expérience mixte symphonico-cinématographique, «plus viscérale», estime Freer.

«Dramatiquement, tout le monde y trouve son compte: il y a de la tragédie, de la beauté, une histoire d'amour, de l'action, de la vengeance... Et musicalement, il y a de tout.»

Le très prolifique compositeur d'origine allemande Hans Zimmer, qu'on a vu accompagner Pharrell Williams à la guitare pendant sa chanson Happy au gala des Grammy il y a deux semaines, a composé pour ce péplum moderne une trame aux influences classiques évidentes, mais qu'il a colorée de sonorités et de rythmes d'Afrique, d'Amérique du Sud et du Moyen-Orient. On y entend aussi bien des cordes «presque mahlériennes» et des cuivres qu'un duduk arménien, une zurna turque et des percussions à profusion. En plus, bien sûr, de la voix de Lisa Gerrard, ex-chanteuse du groupe Dead Can Dance, qui a composé la musique du film avec Zimmer mais qui est remplacée dans la version concert par Clara Sanabras.

Maître Zimmer

Hans Zimmer a composé plus de 125 musiques pour le cinéma et il sera encore finaliste aux Oscars demain soir pour son travail dans le film Interstellar. «Hans a une vision à la fois macro et micro des choses, explique Justin Freer. Il possède un talent inné pour raconter l'histoire d'un film avec sa musique. Il essaie toujours de nouvelles choses et ne se repose jamais sur ses lauriers, un trait de caractère remarquable chez un compositeur parce que le cinéma évolue continuellement. C'est non seulement un grand musicien mais aussi un artiste accompli avec qui c'est un plaisir de travailler.»

Freer ne cache pas que Zimmer lui a prodigué ses conseils: «Il m'a été d'un grand soutien. Dans d'autres projets comme Le parrain, le compositeur [NDLR: Nino Rota] n'étant plus de ce monde, j'ai dû reproduire sa musique de la façon la plus précise possible en tenant compte de ce que voulait le réalisateur Francis Ford Coppola en 1972. Ce n'est pas ma musique, c'est celle des compositeurs et j'essaie de lui être très fidèle, même si ce n'est pas toujours possible. Il y a beaucoup de variables d'un soir à l'autre: l'acoustique de la salle, le facteur humain. Je dispose d'un peu de liberté, mais j'essaie de ne pas m'en prévaloir parce que, encore une fois, mon intention est de reproduire ce qui était prévu à l'origine.»

Comme la musique du film est jouée en direct, la marge d'erreur est pratiquement inexistante.

«C'est un travail très précis et la synchronisation est un véritable défi, reconnaît le chef d'orchestre. D'autres se servent d'un métronome, pas moi, parce que je trouve que ça nous restreint en tant que musiciens. Le tempo vient uniquement de mon bâton et, de toute façon, les musiciens ont été formés très jeunes pour jouer dans un ensemble.»

À la salle Wilfrid-Pelletier, samedi soir, 20h, et dimanche, 15h. En version originale anglaise avec surtitres français.