Emmanuel Bilodeau a incarné Hamlet, René Lévesque et même Dieu sur les planches et à l'écran. Or, ces jours-ci, l'acteur délaisse les grands rôles pour apprivoiser le merveilleux monde de l'humour. Après ses passages au festival Juste pour rire et au Grand Rire à Québec, Bilodeau achèvera l'écriture et le rodage de son premier one man show prévu pour l'automne 2013.

Périodiquement, Emmanuel Bilodeau a besoin de changer d'air. Celui qui a été avocat et journaliste avant de devenir comédien aime sortir de sa zone de confort. Le revoilà donc au festival Juste pour rire (avec une mise en scène et deux numéros de gala), et il collabore au Grand Rire de Québec. Cela peut en étonner certains: on est loin de l'univers de Curling de Denis Côté.

Timide, nerveux, mal à l'aise, Emmanuel Bilodeau est un drôle d'oiseau dans le monde des humoristes populaires. Un «colibri» plus exactement, se définit-il. «Cet oiseau minuscule des climats tropicaux qui peut voler sur place par vibration des ailes», selon le Petit Robert. «J'ai beaucoup d'admiration pour les humoristes qui dégagent beaucoup d'aisance, explique Bilodeau. J'ai vu le one man show de Sugar Sammy et j'ai été fasciné par la confiance qu'il affiche sur scène...

«Je ne me compare pas à lui. Loin de là! Je suis nerveux sur scène. Je n'ai pas l'aisance d'un Martin Matte ou d'un Jean-Michel Anctil. Je ne suis pas passé par l'École de l'humour. Mes sketchs seront un mélange de personnages, de monologues, d'actualité, de théâtre. Je ne fais pas de l'humour d'observation. Je cherche davantage à trouver un sens dans le rire.»

«Je travaille un peu comme un peintre», poursuit-il, en évoquant les cours d'arts de François Vincent à l'École nationale de théâtre. «Je dépose des coups de pinceau par couches, et peu à peu, il se dégage une image dans laquelle le fond et la forme s'entremêlent.»

Selon lui, faire un bon numéro d'humour représente énormément de pression... imaginez un spectacle entier. C'est pourtant son prochain défi. Après une année d'écriture et de rodage, il espère présenter son premier spectacle solo à Montréal à l'automne 2013.

Or, la compétition est forte et le pari loin d'être gagné: bon an, mal an, une trentaine d'humoristes produisent leur spectacle, nouveau ou en reprise, partout au Québec. Où est la place de Bilodeau dans ce marché? «Il y a de la place pour tous les genres, croit-il. Mais je réalise à quel point c'est exigeant. Pour le moment, je veux comprendre comment fonctionne le monde de l'humour. Je suis en apprentissage. Et je me paie un trip d'écriture. Une chose que j'adore, car l'écriture me donne des moments de solitude.»

Politiquement comique

Son baptême en humour remonte à la soirée de clôture des Rendez-vous du cinéma québécois, il y a trois ans. On lui avait demandé de faire un discours à titre de porte-parole. Une véritable révélation. «J'ai réalisé que je pouvais faire rire les gens!» L'année suivante, il prépare un autre discours humoristique pour la Soirée des Jutra, mais il ne gagne pas et laisse son texte dans ses poches. Ensuite, lors d'un passage à Tout le monde en parle, Guy A. Lepage lui fait lire son texte... «Le lendemain, Juste pour rire a pris contact avec moi pour me demander de participer à un gala du festival!»

Cela a donné son fameux discours politique ovationné par 3000 personnes à la salle Wilfrid-Pelletier, en 2011. Un numéro faussement bilingue qui se termine dans une envolée oratoire à la René Lévesque. L'humoriste y affiche ses couleurs nationalistes. Et son talent comique. 

En plus de signer la mise en scène du gala Les immatures, animé par Cathy Gauthier, Philippe Laprise et Dominic Paquet, Bilodeau sera sur scène pour présenter un nouveau numéro intitulé Le sens de la vie. Il va aussi refaire à Québec son personnage de Tonino Tomato, le «ministre libéral du Trafic d'influence» qui prône «un Québec beige dans un Canada brun». Il l'a présenté au spectacle de la Coalition des humoristes indignés, en juin dernier, en soutien aux étudiants en grève. Un spectacle-bénéfice qui a prêté à controverse après le refus de membres de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) de s'associer au contenu «raciste, homophobe et sexiste» de certains humoristes. 

Bilodeau - qui n'est pas visé par ces militants, même s'il a déjà employé le mot «noune» dans un sketch - ne comprend pas l'attitude de la CLASSE. «Je rencontre beaucoup d'humoristes depuis un an. Or, je constate que ce sont des artistes sensibles, émotifs et intelligents. Mais leur mandat, c'est de faire rire le public qui va voir un show pour se divertir. Et de repousser les limites en essayant du nouveau matériel qui ne peut pas faire l'unanimité. Je pense que la CLASSE choisit mal ses combats. Ce n'est pas de l'argent sale de la mafia qu'on leur offrait...»

Toutefois, avec son futur spectacle, le jeune humoriste veut faire «évoluer un peu la pensée des gens tout en les faisant rire». Histoire de montrer qu'il est possible de repousser les limites de l'humour... et de les rehausser en même temps.

Gala Les immatures, le 20 juillet, à 18h30 et 21h30.