L'humoriste François Morency anime son gala Juste pour rire ce soir et demain. Généreux, il a accepté que La Presse se glisse dans les coulisses et assiste aux réunions préparatoires durant lesquelles on ne s'ennuie pas...

Préparer un gala Juste pour rire, c'est tout un job. François Morency en sait quelque chose. Il en est à son huitième. Le mardi 15 juin dernier, il restait encore bien des choses à régler quand nous avons assisté à un meeting de production tenu dans les locaux de Juste pour rire, boulevard Saint-Laurent, à Montréal.

Il y avait autour de la table François Morency, Éric Belley, vice-président télévision et directeur général du Festival Juste pour rire; Manon McHugh, vice-présidente programmation du festival; Louise Richer, directrice de l'École nationale de l'humour et responsable de la mise en scène; Éric Maillet, coordonnateur au contenu des galas; Claude Myre-Bisaillon, assistante à la mise en scène et Léa Desloges-Lefebvre, coordonatrice artistique des galas francophones.

Après quelques blagues préliminaires pour mettre le journaliste dans le bain et détendre l'atmosphère, on passe aux choses sérieuses: Éric Belley parle de sa dernière performance au triathlon! Ceci dit, on rentre ensuite dans le vif du sujet.

François Morency dit qu'il a testé son numéro au gala Humour aveugle la fin de semaine précédente et que ça s'est bien passé. «Comme c'était à peu près le même genre de public que pour le show de juillet, je pense que c'était fiable comme réception», a-t-il dit à La Presse après la réunion.

Morency aborde ensuite la participation d'une personnalité sportive très populaire pour un rôle de figurant durant le show mais «on lui court après depuis un mois». Finalement, la personnalité a dit oui et sera là ce soir. L'équipe aborde ensuite la fermeture du numéro par François Morency.

L'équipe envisage de faire participer plusieurs personnalités: Robert Charlebois, Yvon Deschamps, Dominique Michel, Guy Lafleur, Jean Béliveau, etc, pour leur rendre hommage. Mais finalement, ils ne seront disponibles.

On pense aussi à Youpi. «Il faut passer par le Canadien et c'est toujours difficile avec eux», dit Éric Belley. «Moi, j'ai le numéro de Youpi, c'est une fille!», ajoute Éric Maillet. Rires et blagues s'en suivent.

«Et si on prenait un politicien?», suggère Éric Belley. Tout le monde cherche autour de la table quelqu'un qui ferait l'unanimité ou presque. Éric Belley propose Lucien Bouchard. «Ben non, y'en a qui vont le huer», dit Morency. Exit les politiciens.

François Morency relit son texte final. Et termine en disant «Pis quand j'ai fini, je crache du feu!» Tout le monde rit. «Avec des plumes dans le cul», suggère Manon. «Non, ça je le ferai en 2020!», répond Morency du tac au tac. Quel sens de la répartie...

On évoque de nouveau les participants au numéro de fermeture du gala. «Si Robert vient, il chantera quoi?», demande Éric Belley. On parle ensuite de la possibilité d'inviter Serge Fiori. Mais Éric Belley dit que le pilier d'Harmonium ne veut pas remonter sur scène.

«Et si Robert accepte de chanter?», dit Louise Richer. «Oui, mais du coup, Deschamps et Guy Lafleur vont se trouver un peu seuls sur scène, non?», dit Morency. «À ce moment-là, faudrait passer un peu de temps avec les trois.» Éric Belley suggère alors qu'Yvon Deschamps dise à François Morency sur scène: «tu nous as fait venir jusse pour ça?» et que Guy Lafleur ajoute «moi aussi?»

«Guy Lafleur pourrait dire 'je ne sais pas qui tu es Morency', dit Éric Belley. Il ajouterait 'Dis donc Morency, t'es un sacré menteur, tu avais dit que tu me rendrais hommage. Finis donc ton gala tout seul! Pis là, il sort de scène!»

Autour de la table, on aime bien l'idée mais on réfléchit. Il faut trouver une fin dynamique, pas un «fade out», dit Louise Richer qui propose d'intégrer Dominique Michel à cette partie du gala.

«Dodo se prêterait bien au jeu», dit-elle, ne sachant pas encore, comme tout le Québec, que Dodo a un cancer et qu'elle doit être opérée trois jours plus tard.

D'autres noms sont évoqués. Jacques Villeneuve. Serge Postigo. Il y a un cercueil dans le numéro de fermeture. «Qui fait le casting du cercueil?!», plaisante François Morency.

Puis, on passe en revue le roster, soit la liste temporaire des personnes invitées au gala. François Morency présente chaque personne, dit si le contrat est signé et si le numéro est bon. Une discussion s'engage sur un humoriste dont le numéro est assez court. «C'est plutôt heavy, dit François Morency. A Laval qui rit (qui sert de rodage pour les galas), ça n'a pas vraiment marché. Ça installe un mood ben destroy.» Éric Belley propose donc de reparler à l'humoriste. Next.

François Morency présente un duo d'humoristes, dit qu'il n'a pas encore vu leur texte, que c'est nouveau et que le thème est le «le gros bon sens». Puis un autre humoriste va faire un sketch sur une maladie. Mais Louise Richer dit qu'un autre humoriste a prévu de faire un sketch sur la maladie dans un autre gala. «Ça fait pas un peu trop de maladies, non?», demande-t-elle. Discussions. L'humoriste devra peut-être prendre un autre sujet.

Puis, on aborde le cas d'un humoriste dont le numéro n'a pas cartonné dernièrement. «Tout le monde est conscient de ça, lui, son gérant aussi.» Il n'est donc pas certain qu'on le conserve. Puis, on réfléchit autour de la table pour savoir qui va ouvrir le spectacle et qui va le fermer. Un humoriste qui a tendance à parler beaucoup et à improviser (suivez mon regard!) est mis à la fin, pour que le show ne s'éternise pas.

À l'issue de la réunion, François Morency prend quelques minutes pour parler avec La Presse. Il explique qu'il travaille sur ce gala depuis l'automne dernier avec son équipe, soit Benoit Pelletier, Pierre Prince et Nicolas Forget. Ensemble, ils créent du matériel et il y en a toujours trop. Mais rien ne se perd. Il utilisera cela plus tard.

«J'adore ce rôle de fil conducteur d'un gala, dit-il. Tu établis une complicité, tu réagis à ce que les invités ont fait, je suis très à l'aise dans ce format. C'est plus de travail et de responsabilité. C'est comme un rôle de père de famille.»

François Morency ajoute que sa plus grande satisfaction ne sera pas d'avoir «scoré» mais «de présenter quelqu'un qu'on ne connaît pas et qui cartonne». Et de citer Sugar Sammy qu'il a fait découvrir au public francophone l'an dernier.

Cette année, ses interventions tourneront autour de la méchanceté, le manque de civisme et le côté moralisateur des gens. Earl Jones, Vincent Lacroix et d'autres pourraient se sentir visés...

7 Juillet. Cegep du Vieux-Montréal. Local C505. Les Chick'n Swell et François répètent leur numéro en présence de Louise Richer.

Ça fait trois ans que les Chick'n Swell (Francis Cloutier, Ghyslain Dufresne et Daniel Grenier) s'associent à François pour son gala. Le courant passe entre les quatre humoristes. «Les deux sont complémentaires, dit Louise Richer. François, c'est le cartésien. Il suit son affaire au quart de tout, alors que les Chick'n Swell, ça part dans tous les sens. Des idées? En veux-tu? En voilà!»

Cette année, alors que le groupe d'humoristes fête ses 20 ans d'existence, ils ont concocté un numéro drôle et émouvant à la fois.

Durant deux heures de répétition, ils vont le recommencer une dizaine de fois. Leur numéro comporte des difficultés. Il faut se coordonner avec une vidéo qui tourne en même temps. En regardant la vidéo sur un écran de télévision, chacun répète son texte sous le regard attendri d'Édouard, fils de Daniel Grenier.

Dans la vidéo, les trois «policiers» sont pas mal bons. Hugo Pellicelli, Pascal Morrissette et Stéphanie Deschamps sont des finissants de l'École nationale de l'humour. Ils assistent plus ou moins à la mort de François Morency. «C'est pas compliqué, je meure à chaque gala avec les Chick'n Swell, on s'habitue!», lance François.

Il y a de l'émotion dans la vidéo. La trame sonore est celle de Lost. «Avec les images, on dirait la fin du film Philadelphia», dit François, en regardant le film sur la télé.

Puis, le groupe répète en repérant les lieux et en joignant le geste à la parole. Il faut savoir se déplacer sur la scène ensemble et aux bons moments. Les humoristes travaillent sérieusement. Louise Richer veille au grain et prend note de ce qui ne fonctionne pas, notamment le fait qu'il faudra ajouter deux ou trois secondes au milieu de la vidéo afin que le texte soit efficace et colle parfaitement aux images.

«Quand vous quittez la scène, prenez le temps de changer de mood», dit Louise.

C'est Daniel Grenier qui a eu l'idée du texte. Le sujet lui rappelle la mort de son frère, il y a 17 ans, dans un accident de voiture. Il était sur les lieux et n'a pu intervenir. «C'est un adon mais j'y pense», dit-il.

Il ajoute que l'émotion est un terrain sur lequel les Chick'n Swell se sont rarement aventurés. Mais le public devrait aimer. C'est très efficace.

«Bon, on répète une dernière fois», dit Louise. «C'est un bourreau!», lâche François.

Les Chick'n Swell s'en vont. François Morency doit répéter son sketch de fermeture. La Presse apprend que, finalement, la participation de personnalités pour clore ce gala ne fonctionne pas. Tout le poids est donc sur les épaules de François Morency.

Il se place au milieu du studio. Louise Richer écoute. Il lit tout son texte utilisant sa bouteille d'eau comme microphone, plus de cinq minutes à réciter par coeur, à jouer. Comment fait-il pour se souvenir de tout son texte et pour le débiter si vite, sans hésiter ou presque, sans oublier ce qu'il y a juste après?

Une fois que le texte est final, je me fais des blocs et une logique car je ne veux pas me fier au prompteur.»

Il le répètera six fois. Louise donne des conseils. François reprend. Ça marche! «Me reste plus qu'à le faire pour de vrai!», dit-il.

8 juillet, 10h30. Théâtre Saint-Denis 1. Exercice de «vol humain».

Pascal Souvay, de la firme DSR, installe un harnais et des filins d'acier dans le dos de Francis Cloutier, des Chick'n Swell. Il faut voir s'il est réaliste de le faire subitement expulser de scène dans le cadre du numéro que le trio fait avec François Morency.

Assisté de Guillaume Boisclair, de Rig-Rite productions, Pascal a du mal: le harnais est trop petit. «Faudrait pas que j'aie une gosse qui coince», dit Francis. «Serre ton paquet», lui dit Pascal. L'ambiance est bonne sur la scène du théâtre. Le show est le lendemain mais personne ne s'énerve. Louise Richer repère où se trouvera physiquement Francis quand il devra être subitement propulsé hors de scène.

«Faut pas que je mette la langue entre les dents à ce moment-là», blague Francis Cloutier. La poussée est en effet très forte. «C'est flyé, réagit Francis. Yvon Deschamps a fait beaucoup de chose mais pas ça!».

Verra-t-on depuis la salle les câbles qui retiendront Francis? «Avec la magie de l'éclairage, ça ne se verra pas», dit Lyne Dufresne, directrice technique des galas.

Aujourd'hui, jour du premier gala de François Morency, toute l'équipe technique et tous les humoristes répètent de 9h à 18h au Théâtre Saint-Denis 1. «C'est toujours comme ça, dit Louise Richer. On travaille jusqu'à la dernière minute.»

Festival Juste pour rire

Gala François Morency

Théâtre Saint-Denis 1

Ce soir et demain, 20h.