Avec 28 spectacles en 17 jours, le Festival TransAmériques démarre ce soir dans un climat trouble, propice aux débats, aux rencontres et aux regards critiques sur notre époque. En première nord-américaine, l'Allemande Angie Hiesl prend d'assaut les murs d'immeubles du Quartier Latin. Et fait réagir les passants.

«Mais comment il a fait pour monter là haut?»

Hier en fin d'après-midi, devant le cinéma Quartier Latin, l'homme à la barbe blanche assis devant un jeu d'échecs intriguait la foule. Surpris, incrédule, de bonne humeur, chacun y allait d'un commentaire et sortait leur portable pour prendre des photos. C'est que ce joueur est juché sur une chaise accrochée au mur... à 20 pieds au-dessus de la rue!

Il n'est pas un illuminé. Avec une dizaine d'interprètes, cet homme fait partie d'une intervention in situ, X-fois gens chaise, présentée dans le cadre du FTA. Créée par l'artiste allemande Angie Hiesl - qui se spécialise dans la création pour des lieux hors normes -, cette performance-installation joue tant sur la perception du spectateur que sur la relation entre le théâtre et l'espace public, le citadin et l'architecture.

Plein de concepts que vous ne saisirez peut-être pas au vol quand vous verrez ces personnages en quête de hauteur, concentrés à leur activité solitaire (l'un pliant du linge, l'autre jouant de la musique) sans jamais intervenir avec le public qui les interpelle au sol. On peut découvrir dix chaises essaimées ici et là, autour des rues Saint-Denis et De Maisonneuve, toutes occupées par des femmes ou des hommes de 60 ans et plus. «Ça aurait été trop évident de demander à de jeunes acrobates, explique la metteure en scène. Alors que voir des gens de l'âge d'or dans cette position, ça tient de l'imprévu. C'est un plus gros défi.»

Reste la question de la sécurité... N'ayez crainte, les assis ont été choisis minutieusement en auditions; puis ils ont répété leur «numéro» pendant deux semaines dans la cour de l'École nationale de théâtre. De plus, ils sont bien entourés pour monter et descendre de leur hauteur.

C'est une douceur que la directrice du FTA, Marie-Hélène Falcon, offre en primeur nord-américaine aux Montréalais, à côté d'autres spectacles de danse et de théâtre plus engagés. Des oeuvres dont le dénominateur commun est de questionner, de déranger et de perturber.

Dissidence

Falcon pense beaucoup à Antigone depuis quelques semaines. Parce que l'éternelle l'héroïne de Sophocle est au programme du FTA (avec la compagnie italienne Motus). Et aussi parce que sa soif de justice qui l'oppose à l'ordre et au pouvoir établi fait écho à la révolte des carrés rouges: «Or, le Festival a toujours été un lieu qui favorise l'expression de la dissidence de façon poétique et artistique. Un lieu propice aux échanges et au débat social.»

Toutes couleurs unies.

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X-fois gens chaise: 24 et 25 mai, 18h; 26 et 27 mai, à 15h. Durée: 1h.