Le personnage d'Orloge, pendant caricatural et impertinent d'Olivier Simard, est né dans les braises de nombreux feux de camp, autour desquels ses refrains sulfureux remportaient un franc succès. «Mes amis aimaient ben ça, ils trouvaient ça drôle, et c'est à partir de là que je me suis mis à faire de la musique plus sérieusement.»

En 2012, quatre musiciens allaient greffer leurs cordes, leur clavier et leur batterie à la guitare sèche et à la voix. Le groupe Orloge Simard s'est forgé à partir de cette fusion expérimentale, à la croisée du rock, du folk, du country et du reggae. S'il faut comparer, le quintette serait le fils illégitime et apolitique des Cowboys fringants et de Mononc' Serge, le tout trempé de vodka et vicié de sexe sale.

Les pornographes, illustres gaillards dans leur Saguenay d'origine, charment un public croissant avec leur vulgarité et leur «aucun-cadrisme», selon leur maxime néologique. Propulsés en 2014 par un premier album polémique - Aucun cadre, justement -, Olivier Simard et ses quatre musiciens débarquent aux FrancoFolies avec une livraison récente et un nouveau mantra à défendre, Beuvez tousjours, ne mourez jamais, sorti l'an dernier.

Sur cette cuvée, Orloge a souhaité mieux définir son double dramatique, le situant dans un univers baroque, costumes et identité graphique à l'appui.

«Il faut absolument faire la différence entre nos vies et la scène. Quand j'ai commencé, je ne savais pas si les gens allaient prendre ça au premier degré. J'ai créé ce personnage-là pour montrer la vulgarité quotidienne.»

C'est que la distinction entre Olivier Simard, que l'on devine timide et affable au bout du fil, et Orloge, chanteur turbulent, pathétique et misogyne sur les bords, ne s'impose pas d'emblée. En 2014, le groupe l'a appris à la dure lors d'un concert au Festival du folk sale de Sainte-Rose-du-Nord. Certains trublions se sont mis à cracher sur les musiciens et à les insulter, pendant que d'autres débranchaient leurs instruments. «C'est un événement qui n'a pas été le fun. Je pense que ceux qui critiquent cette musique-là, soit ils ne veulent pas comprendre, soit ils n'ont pas compris. Ce sont de petits groupes extrémistes. Ils ne voient pas la démarche artistique derrière.»

Exprimer le laid

Des chansons récentes comme Golden Shower, rien de moins qu'un hommage aux plaisirs urophiles, ne risquent pas de redorer (excusez-la) l'image du band auprès des oreilles chastes. Idem pour Eurk! Un condom et Cabane à pêche, qui alignent les grossièretés. On repassera pour la poésie: «Dans un coin de ma belle cabane, Carine me suçait la banane, t'es vraiment une fille de brosse, à la façon tu m'crosses.»

Commentaire, Orloge? «Cette chanson-là, c'était pour caricaturer le gars typique des régions, pour montrer comment lui va raconter une histoire de cul, à la sauce régionale. Il y en a beaucoup plus qu'on pense qui sont comme ça. À première vue, ça peut choquer, c'est certain.»

«Selon moi, l'art n'est pas fait pour être pédagogique, mais pour montrer des images qui ne sont pas tout le temps jolies. Et moi, j'aime exprimer ce qui n'est pas si beau que ça.»

Or, Orloge Simard n'est pas que cul non plus. On sent poindre, dans son mauvais goût manifeste - souvent bien tourné, cela dit -, un peu d'humanité et de finesse. Il faut notamment écouter Fuir ses problèmes, histoire tragico-comique qui effleure le politique, pour s'en convaincre.

L'étudiant à la maîtrise en lettres est prêt à mettre encore un peu d'eau dans son scotch sur un prochain album. Pas pour plaire davantage - «j'ai un public qui a soif!» -, mais pour se «réinventer». «Le personnage évolue, il devient plus mélancolique au fil du temps, note-t-il. Il devient moins trash, mais plus écoeuré de tout.»

D'ici là, comme pourrait nous en avertir l'avatar baroque d'Olivier Simard dans son vieux français: «Allez colchier les enfants, l'heure d'Orloge a seuné.»

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En concert avec Carotté le vendredi 9 juin à 19 h 30, à l'Astral.

Drôles de chanteurs

Tour d'horizon de quelques musiciens émergents qui prennent l'humour au sérieux.

Gab Paquet

Le chanteur, qui arbore la coupe Longueuil et se définit comme «la perfection faite homme», pousse le concept du crooner à son paroxysme. Sur des claviers kitsch et des refrains ringards mais ô combien accrocheurs, Gab Paquet dépose avec un sérieux désarmant: «Impossible de toucher la femme en moi, mais moi, je veux caresser la femme en moi.» Autre petit bijou littéraire: «Choubidoubidou dans le ciel, yabadabadou dans mon coeur». L'esthétique des pochettes, des vidéoclips et du personnage de scène n'échappe pas à cette jouissive «quétainerie».Le samedi 10 juin à 22 h, sur la scène SiriusXM.

Louis-Philippe GingrasMusicien hyper sensible, l'auteur-compositeur originaire de l'Abitibi joue avec les ruptures de ton et s'amuse du décalage entre le texte et la musique. Sur une guitare folk tristounette qui rappelle Philippe B, Louis-Philippe Gingras énonce qu'il veut dormir au parc à chiens «en cuillère ou en couteau sale». Sur une autre pièce, la douce du protagoniste, qui a «des yeux en Lite Brite» et sent bon quand elle fume, possède toutefois ce vilain défaut: «Tu travailles au Tigre géant, bébé dis-moi comment te présenter à mes parents?», répète-t-il.

Le mardi 13 juin à 19 h, dans la Zone Coors Light.

Émile BilodeauConnu et reconnu au fil de concours, Émile Bilodeau a émergé sur les ondes radiophoniques avec la chanson J'en ai plein mon cass. La plus récente Révélation Radio-Canada cultive des images rigolotes sur des terres parfois arides, comme les ruptures - «L'amour de félin, c'est toujours mieux que rien» - ou les questions métaphysiques - «Si la vie c'est de la marde, ben j'ai fourni en laxatif». «Les messages passent mieux avec un rire à la fin», expliquait le talentueux parolier de 21 ans à notre collègue l'année dernière.

Le vendredi 16 juin à 19 h 30, à L'Astral.

Menoncle JasonLe cowboy acadien s'inspire de son Memramcook natal, au Nouveau-Brunswick, pour façonner des histoires humoristiques dans un habillage country lo-fi. La comparaison avec Mononc' Serge va au-delà du patronyme mais, à elle seule, ferait fi d'un univers sonore et textuel éminemment régional. En fait foi sa déclaration d'amour aux ruminants, Dear Deer. «Si qu'tu saurais comment, jour et nuit, je rêve à toi souvent. Ast'heure que j't'ai dessous les yeux, je l'sais que tout ira mieux.»

Avec Joey Robin-Haché le mercredi 14 juin, dans la Zone Coors Light.

Photo Yan Doublet, archives Le Soleil

Émile Bilodeau