Dix ans de silence pour un ensemble aussi fédérateur, est-ce une... anomalie? Glissement sémantique, rétorqueraient les trois membres restants de ce rarissime groupe français à avoir obtenu un réel succès de masse en Amérique francophone. Anomalie, titre du quatrième opus de Louise Attaque lancé en février, ne pose pas cette question et... le choix des irrégularités humaines est vaste dans cet album si on essaie d'en repérer les évocations.

Quoi qu'il en soit, Louise Attaque s'était éclipsé de la scène il y a une décennie; la mort définitive n'avait jamais été annoncée, mais il était permis de douter jusqu'à récemment. Réunis en conférence téléphonique, les membres du groupe en racontent le redémarrage.

«On s'est mis à table d'abord pour évaluer si on avait envie de mettre fin à cette longue pause pendant laquelle nous avons chacun mené nos projets respectifs. Le défi artistique s'est posé après avoir pris la décision d'écrire un nouveau chapitre», amorce Arnaud Samuel, violoniste et multi-instrumentiste de Louise Attaque.

Relancer une bête aussi redoutable après une telle hibernation éveille certes des sentiments paradoxaux.

«Lorsqu'on décide de se remettre à avancer, c'est précieux et en même temps un peu effrayant, car il se peut qu'on n'avance pas comme on le souhaite. Il fallait alors chercher à ne pas s'accompagner les uns les autres, mais plutôt à se bousculer, jouer des épaules au bon sens du terme. Nous avons senti que ce serait possible en créant la chanson Du grand banditisme, qu'on a envie de proposer aujourd'hui sur scène», explique à son tour Gaëtan Roussel, dont la carrière solo a vraiment pris son envol au cours de cette pause prolongée.

Densité musicale

Le son proverbial de Louise Attaque s'est transformé en cours de création, notamment grâce au travail du jeune réalisateur britannique Oliver Som, que Gaëtan avait repéré à Los Angeles pendant un atelier de création.

«Puisque nous avions perdu notre batteur [Alexandre Margraff] en cours de route, l'ordinateur et les claviers étaient devenus importants dans la composition, mais il fallait alors épaissir le son. Oliver a réussi à épaissir le son avec ses propres références de pop anglaise. À ce qu'on avait déjà proposé, il a ajouté des couches qui lui sont propres; la densité musicale obtenue est caractéristique de l'album Anomalie. On a trouvé un point commun entre notre chaleur acoustique et sa propre pâte.»

Bassiste et claviériste de Louise Attaque, Robin Feix se réjouit qu'un autre niveau ait été atteint avec Anomalie.

«Nous étions rassurés de retrouver l'alchimie entre nous, mais il y avait aussi une petite frayeur, car ce qu'on créait ressemblait beaucoup à Louise Attaque.»

«Oliver Som a réussi à transformer les morceaux et à les faire un peu dévier de leur direction acoustique, poursuit le musicien. Ce qui ne signifie pas que les instruments acoustiques ont été mis de côté, bien au contraire.»

Arnaud croit d'ailleurs que les deux époques de Louise Attaque peuvent fort bien cohabiter sur scène, le tout renforcé par un batteur (Nicolas Musset) et un claviériste (Johan Dalgaard). «Nous nous proposons de juxtaposer le son antérieur de Louise Attaque et le son acquis avec Anomalie. Nous voulons le faire de manière frontale, c'est-à-dire jouer les anciennes chansons de la manière originelle et les nouvelles avec les caractéristiques propres au nouvel album.»

Quant aux textes d'Anomalie, assure Gaëtan Roussel, ils diffèrent clairement de ceux des albums solos. «Ils naissent du temps qu'on passe ensemble. Un contexte d'écriture s'impose alors, notre groupe en est la matrice, un prisme dans le mouvement. Et puisque nous nous plaisons souvent à dire que nous n'avons qu'un seul groupe dans notre vie...»

À l'évidence, Louise est encore d'attaque.

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Au Métropolis ce soir et demain, à 21 h.