David Dufour, alias le rappeur D-Track, se produira en première partie de la star française Oxmo Puccino samedi au Métropolis. Mardi dernier, il n'était pas sur scène, mais dans un local de Laval, où il donnait un atelier de slam.

Devant lui, Sarah et Amélia, deux adolescentes qui fréquentent le Cafardeur, un café étudiant pour les 14 à 17 ans situé dans le quartier Pont-Viau qui stimule la persévérance scolaire.

La première s'est initiée au slam pour le pouvoir des mots mis sur papier. « C'est une façon de m'exprimer, de sortir mes émotions et de me libérer de ce que je vis », indique Sarah. La deuxième, pour la musique. « Je prends des cours de chant, mais je veux aussi apprendre à écrire », explique Amélia.

Pour Sarah, le slam est à la fois une activité et une façon d'améliorer son parcours scolaire. Elle aimerait pouvoir en faire à l'école, surtout que cette forme est proche du rap, omniprésent dans les corridors et les oreilles de ses camarades.

« Ma gang d'amis n'écoute que du rap. Tout le temps », lance-t-elle.

Le rap dans les écoles

En 2013, D-Track a été sacré champion québécois de slam. Depuis, ses ateliers lui permettent de gagner sa vie. La veille de notre rencontre, il était dans une polyvalente d'Ottawa. Le lendemain, dans une autre de Québec.

Son message - l'importance de l'écriture et du français - passe auprès des jeunes.

« Le médium, c'est le message. J'ai les mêmes références qu'eux. Je leur dis que le rap, c'est de la poésie. »

Dans les classes qu'il visite, David estime que quatre jeunes sur cinq écoutent massivement du rap. « C'est la génération hip-hop. Tout le monde en écoute. On me parle même de NWA à cause du film [Straight Outta Compton]. »

Le monde adulte vit-il un décalage par rapport au phénomène ? « Définitivement, répond-il. Au Québec, nous sommes en arrière. À mon époque, c'était le grunge. Aujourd'hui, c'est le rap. En même temps, je pense que les choses changent tranquillement... »

D-Track se produira en première partie d'Oxmo Puccino avec les chansons de son nouvel album Message texte à Nelligan, sur lequel figurent le parrain du rap québécois, Dramatik, et Ogden, d'Alaclair Ensemble. « C'est comme un rêve, ce spectacle. Et je vais faire un show full band. »

Le pouvoir du public

Avec la force de son public, il va de soi que le rap s'intègre tranquillement à la culture de masse. Et, comme au café Cafardeur de Laval, il aide des jeunes dans leur parcours.

Nous avons vu Rymz au bar Uppercut de Beauharnois en 2013 avec « sa famille » du label Silence d'or. Déjà, le séduisant rappeur vendait des tonnes de disques à l'unité et se faisait prendre en photo avec des fans.

« Aujourd'hui, je prends une heure et demie de selfies après mes shows. C'est presque devenu trop ! », s'exclame Rymz.

Rymz, qui a lancé son deuxième album Le petit prince en avril dernier, incarne le hip-hop « old school ». Celui d'un jeune bum qui s'en est sorti avec ses mots et son flow. « J'étais vraiment un petit con », lance-t-il.

Rymz, né Rémi Daoust, sait de quoi il parle quand il intervient auprès des jeunes comme éducateur - son boulot - dans un foyer de groupe de la DPJ.

Adolescent, il aurait été trop timide pour montrer ses « petits poèmes ». Mais le rap lui permettait de les chanter en français. « Le rap est une musique qui expose le bien et le mal sans juger », nous disait-il déjà avec sagesse en 2013.

Son rap en solo est « introverti et personnel ». Quant à celui de l'album Amsterdam (en hommage à ce qui y est légal depuis longtemps), qu'il sortira avec Souldia pendant les FrancoFolies, « cela brasse plus et c'est une vibe pour chiller ».

Rymz n'est pas un produit des médias ; c'est son public fidèle qui l'a fait « émerger ». « À l'époque de mon groupe Mauvais acte, nous vendions des milliers d'albums par nous-mêmes. »

Depuis plusieurs années, Rymz est représenté par Silence d'or. Il vante le dévouement des fondateurs Karma Atchykah et Carlos Munoz. « Des concrétiseurs d'idées » qui l'ont aidé à devenir professionnel.

Des étiquettes comme Silence d'or ou 7ième Ciel (fondée par Steve Jolin) ont en effet « professionnalisé » la scène rap du Québec.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, la presse

David Dufour, alias le rappeur D-Track, donne régulièrement des ateliers de slam pour les jeunes, comme ici, au Cafardeur, un local de Laval pour les 14 à 17 ans. 

L'épopée du hip-hop québécois

1983

Lucien Francoeur sort une chanson intitulée Le rap-à-Billy.

1990

Kool Rock (Ghislain Proulx) et Jay Tree (Jean Tarzi) forment le Mouvement rap francophone (MRF) et sortent la chanson MRF est arrivé.

1996

KC LMNOP connaît un succès commercial avec la chanson Ta yeul... Il anime l'émission Rap Cité à MusiquePlus.

1997

Dubmatique lance l'album La force de comprendre, qui se vend à 150 000 exemplaires. Le trio remporte le Félix de l'album alternatif de l'année.

1999

Sans Pression lance 514-50 dans mon réseau, un premier album auquel collabore Yvon Krevé. Muzion lance le disque Mentalité moune morne... (Ils n'ont pas compris)

2000

Loco Locass renouvelle le hip-hop avec son album Manifestif. L'Assemblée sort La guérilla.

2010

Le site web HHQc lance la compilation La force du nombre, qui réunit une cinquantaine de rappeurs québécois. Avec son utilisation du web, ses références historiques et ses spectacles éclatés, Alaclair Ensemble change la donne avec son premier album 4,99. Les FrancoFolies célèbrent les 20 ans du hip-hop québécois.

2013

Dead Obies termine deuxième au concours Les Francouvertes. Six mois plus tard, il lance son premier album Montréal $ud avec l'intention de « brasser la cage du petit Québec ». Mission accomplie : ses textes bilingues suscitent un débat linguistique sur l'utilisation du « franglais ».

2015

Faute d'un nombre suffisant de mots en français dans ses textes, Loud Lary Ajust est écarté de la catégorie hip-hop au Gala de l'ADISQ. Les FrancoFolies confient à Koriass un grand spectacle orchestral sur la place des Festivals.