Dédé Fortin était un grand escogriffe cyclothymique pas seulement absorbé par ce qui se tramait autour de son nombril, mais aussi sensible aux malheurs du monde. Ses chansons et ses clips gardent des traces de son âme compatissante et de son féroce esprit critique, souvent porté par des musiques enjouées ouvertes aux sonorités d'ailleurs. Retour en arrière avant l'hommage de samedi soir aux FrancoFolies.



Dédé

L'influence manouche s'entend ponctuellement sur le premier disque des Colocs, de la guitare qui swingue de Dédé, chanson qui ouvre l'album, à la fanfare qui fait danser la «p'tite Julie», à la toute fin. Ce swing cherche sans doute à chasser les démons dans la tête de Dédé, le p'tit voisin au coeur de la chanson qui n'a pas de bicycle et qu'on traite comme un chien. Ou à tout le moins à le faire rêver qu'il «vole au-dessus d'la ville avec les éléphants».

La rue principale

Dédé Fortin serait-il allé chanter à l'Étoile du DIX30 avec Les Colocs? Sûrement pas sans ouvrir sa grande gueule pour pester contre les «centres d'achats» de banlieue. Il s'en plaignait déjà il y a 20 ans dans La rue principale, qui a transformé le centre-ville de sa petite ville en village fantôme. Urbain jusqu'à avoir des velléités de terroriste, il menaçait: «Une bonne journée, j'vas y r'tourner avec mon bulldozer, pis l'centre d'achats, y va passer un mauvais quart d'heure.»

Passe-moé la puck

Satire du human interest trop intéressé des médias à l'approche des Fêtes, Passe-moé la puck ne fut pas qu'un doigt d'honneur foutraque lancé à l'écorniflage sensationnaliste, c'est aussi une allégorie de la féroce compétition à laquelle on fait face quand on veut s'élever dans l'échelle sociale. Encore une fois, Dédé Fortin mise sur une technique qu'il affectionnait (l'animation image par image). Le clip a été tourné dans la cour d'école située à l'angle de Marie-Anne et Henri-Julien.

Bon Yeu

Dire que Montréal était morose dans les années 90 est un euphémisme, surtout pour les jeunes adultes qu'on éduquait en leur prédisant qu'ils auraient bien du mal à trouver un travail. Dédé Fortin, lui-même issu de cette génération marquée d'un X, relaie la plainte des laissés-pour-compte dans cette prière baveuse du sans-emploi. Ce clip fut un véritable mini-laboratoire de solidarité sociale: de vrais bénéficiaires de l'aide sociale ont été recrutés - et payés - pour participer au tournage, réalisé par un froid de canard.

Pissiômoins

Une guitare qui chante en faisant de grands «wah-wah». Une basse qui roule des hanches. Une rythmique imparable. Sous ses airs inoffensifs, cette chanson est une critique virulente et fichtrement bien tournée. «Je ris au nez des vendeurs d'or, des exploiteurs endimanchés, distributeurs de cochonneries et de bonheurs préfabriqués». Dédé Fortin n'a jamais été aussi furieusement sarcastique. Son esprit critique et son oeil malicieux nous manquent encore.

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Les Colocs pour la vie, samedi 15 juin, 21 h, au Métropolis.