Grand événement extérieur d'envergure avec invités, du temps clément après un ciel maussade et un premier spectacle officiel avec sa nouvelle copine, Laura Jane Grace, qu'elle a embrassée à la toute fin. Ce n'était pas une soirée comme les autres pour Coeur de pirate, hier, au quatrième jour du Festival d'été de Québec.

«Le stress est très présent en ce moment, mais j'ai hâte», a-t-elle écrit sur Twitter hier après-midi. Malgré les demandes, Coeur de pirate n'a pas rencontré les médias après sa répétition.

Au final, la soirée aura été haute en émotions. Béatrice Martin a souri, elle a pleuré. Jamais on ne l'a vue aussi transparente et heureuse sur scène. C'était bien de la voir entière et vraie devant le public, et moins détachée que dans le passé.

À la troisième chanson, Golden Baby, Coeur de pirate dansait avec un sourire libérateur. «Jamais dans ma vie je ne pensais faire ça. C'est fou», a-t-elle dit en se rassoyant au piano pour C'était salement romantique.

Devant elle, des dizaines et des dizaines de milliers de personnes jusqu'au fond des plaines d'Abraham. Derrière elle, des projections. À ses côtés, ses musiciens tous vêtus de blanc: le guitariste Renaud Bastien, le batteur Julien Blais, le bassiste Alexandre Gauthier ainsi que la claviériste et choriste Amélie Mandeville.

Et au programme: près de 25 chansons de son riche répertoire orchestré à la hauteur de l'immensité des plaines d'Abraham, en plus des titres de ses invités. Magie pop avec Alex Nevsky, coups de fouet hip-hop avec Loud Lary Ajust, beauté vocale avec Milk & Bone, folie rock hautement rassembleuse avec Les Trois Accords, et des chorégraphies des danseurs des Ballets jazz de Montréal.

La dernière personne que Coeur de pirate a accueillie sur scène est une personne «très importante». Laura Jane Grace, chanteuse transgenre du groupe punk Against Me!, avec qui elle est en couple.

Les deux musiciennes échangeaient des sourires heureux et complices au son des pièces rock enflammées Thrash Unreal et Borne on the FM Waves of the Heart.

Émue, Coeur de pirate a interprété plus tôt au piano une nouvelle chanson «triste et belle» intitulée Silence Be Still. Les spectateurs ont alors répondu à sa demande de recréer «un océan de lumières». Une magnifique scène à voir.

Beaucoup plus à l'aise que l'automne dernier dans ses chorégraphies, Coeur de pirate a semblé vouloir soulever les airs au son de Crier tout bas. Captive, la foule se plaisait autant à entendre des chansons au piano comme Ensemble et Comme des enfants que des hymnes à la Dans mon corps des Trois Accords.

Un spectacle d'envergure

Le spectacle d'hier était à grand déploiement. En après-midi, lors de la répétition générale, le metteur en scène Nico Archambault faisait les cent pas en prenant une vue globale de la scène et en dirigeant les invités. Il peut se dire mission accomplie.

Première cette année, le Festival d'été de Québec ne donne pas la chance à un, mais à deux artistes d'avoir «carte blanche». «On donne le budget à un artiste québécois pour faire un spectacle plus grand que nature sur un lieu exceptionnel», a indiqué à La Presse Daniel Gélinas, le directeur général du festival. Pour le public, il y a un caractère exclusif qui fait en sorte que les spectacles de Coeur de pirate et Fred Pellerin sont aussi attrayants sur les Plaines que ceux des grandes stars internationales.

Des médias étrangers avaient par ailleurs de l'intérêt pour Coeur de pirate. Pour Louise Donovan du magazine britannique ShortList, c'était une belle découverte. «Elle me fait penser à Christine and the Queens», a-t-elle lancé. Une comparaison juste, puisque la chanteuse française incorpore aussi fortement la danse à sa musique (et qu'elle se dit de culture queer).

Richard Trapunski, éditeur du webzine torontois Chart Attack, voulait mesurer l'ampleur du succès de Coeur de pirate auprès du public francophone.

«Je sais qu'elle a des fans en Ontario, mais de la voir ce soir dans ce format d'envergure sera intéressant pour moi. Je veux mieux connaître la scène québécoise.»

Richard Trapunski connaissait bien Against Me!, le groupe punk de Laura Jane Grace.

«C'est bien leur première prestation officielle ensemble? Un caractère événementiel de plus», nous disait-il en après-midi.

Même si cela relève de la vie privée de Coeur de pirate (bien qu'elle en parle sur les réseaux sociaux), sa relation avec Laura Jane Grace vient donner un nouveau tournant à sa carrière.

Coeur de pirate a fini le spectacle en dédiant sa chanson Oublie-moi aux gens «de tous les genres». Et à la toute fin du salut avec les invités, elle a donné à l'improviste un baiser à Laura Jane Grace.

Pour mieux connaître Laura Jane Grace

Laura Jane Grace est la chanteuse transgenre du groupe punk américain Against Me!, qui compte six albums à son actif. Comme Coeur de pirate, elle a une fille. Après son divorce avec la mère de son enfant, elle s'est déclarée transgenre en 2012.

En 2014, elle a sorti l'album fort bien accueilli Transgender Dysphoria Blues, puis elle a pris part au documentaire web True Trans, nommé pour un prix Emmy. Son but: donner un modèle positif aux jeunes transgenres qui broient souvent du noir.

En entrevue avec l'animateur de la CBC George Stroumboulopoulos, elle a aussi raconté que dès l'âge de 4 ans, elle s'identifiait à des femmes.

Hier soir, beaucoup de spectateurs ignoraient les révélations de Coeur de pirate des dernières semaines. Les autres n'en faisaient pas grand cas. «Je suis contente qu'elle s'accepte», a dit Emy, 13 ans. «Au fait, c'est quoi être queer?», a lancé son amie Stéphanie.

Après les attentats d'Orlando, rappelons que Coeur de pirate a publié un texte sur le site internet Vice où elle révélait qu'elle ne se définissait ni comme hétérosexuelle ni comme lesbienne.

Richard Shotwell, archives Associated Press/Invision

Laura Jane Grace en 2014