La Création - ou plutôt Die Schöpfung, puisque le célèbre oratorio de Haydn était chanté dans sa version originale en allemand - clôturait hier soir le 33e Festival de Lanaudière devant une foule impressionnante de 6000 personnes massée à l'Amphithéâtre qui porte désormais le nom du fondateur du Festival, le regretté père Fernand Lindsay.

Il faisait presque aussi froid que la veille, où l'assistance avait été de moitié, soit 3000 personnes. Comme l'Orchestre Symphonique de Montréal et son chef Kent Nagano étaient à l'affiche les deux soirs, il est clair que le programme fut le facteur déterminant du succès d'assistance de ce dernier soir d'Amphithéâtre.

Cette heure et demie de musique raconte la création du monde selon l'esprit des enseignements bibliques. Les trois voix solistes représentent les trois archanges Raphaël (le baryton), Gabriel (la soprano) et Uriel (le ténor) décrivant l'apparition de l'air, de la terre, des plantes, des animaux et du premier couple d'humains; le choeur chante la grandeur du Créateur, qu'Adam et Ève remercient ensuite du bonheur qu'Il leur apporte, et l'orchestre colore des éléments du texte.

Il y a donc là cinq rôles, qui, au disque et même au concert, sont parfois chantés par autant de solistes. Mais le plus souvent - et c'était encore le cas hier soir -, on se contente de trois, c'est-à-dire que les interprètes de Raphaël et de Gabriel deviennent, en troisième et dernière partie, Adam et Ève. Seul reste Uriel, commentant l'amour qui les unit. Petit caprice de compositeur, au 34e et dernier numéro de la partition, une alto sort des rangs du choeur pour chanter quelques «Amen» avec les trois solistes.

Kent Nagano nous a donné une très honnête Création, sans éclair de génie mais sans monotonie. Il reste que Jacques Lacombe, qui avait dirigé l'oeuvre au même endroit en 1992, et de mémoire, avait souligné davantage les détails d'harmonie imitative qui émaillent la partition. Le Choeur Saint-Laurent, porté à 100 voix, fut exemplaire de précision et d'engagement.

Chez les solistes, la première mention va à Hélène Guilmette: en Gabriel ou en Ève, le même soprano frais et juste, aux ornements toujours précis. Belle voix et beau style aussi chez Tyler Duncan, bien que la partition indique une basse (et non un baryton) pour Raphaël et Adam. Aux Canadiens Guilmette et Duncan s'ajoutait l'Uriel du ténor allemand Christoph Genz. Je le croyais Autrichien, tant la voix et le genre conviendraient davantage à l'opérette viennoise. Le très court solo d'alto de la toute fin était pris par la choriste Josée Lalonde.

On fit l'entracte normal après la première partie et une pause après la deuxième. Nagano décida de faire un long arrêt dès après le deuxième numéro de la partition, soit presque au début du concert, visiblement ennuyé par les nombreux retardataires.

En principe, il n'y a pas d'amplification à l'Amphithéâtre et il ne semblait pas y en avoir hier soir. Le programme n'annonçait pas de radiodiffusion prochaine. Pourquoi, alors, tous ces microphones au-dessus de la scène?

Quant à la logique de l'éclairage à l'Amphithéâtre, elle est celle de l'OSM à Wilfrid-Pelletier: aberrante. On avait pris la peine d'imprimer une traduction du texte dans le programme. Très bien. Mais lorsque débuta la deuxième partie, vers 21 h, il faisait déjà noir et personne ne songea à mettre assez de lumière pour permettre aux auditeurs de suivre les paroles. À la direction du Festival, on s'est sans doute dit que les 6 000 personnes présentes comprenaient toutes l'allemand!

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL et CHOEUR SAINT-LAURENT (dir. William Cutter).

Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes: Hélène Guilmette, soprano, Christoph Genz, ténor, et Tyler Duncan, baryton. Hier soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 33e Festival de Lanaudière.

Programme: Die Schöpfung, oratorio en trois parties pour trois voix solistes, choeur mixte et orchestre, texte allemand du baron Gottfried van Swieten d'après le poème biblique Paradise Lost, de John Milton, musique de Joseph Haydn, Hob. XXI:2 (1795-98).