La salle Wilfrid-Pelletier affichait complet hier soir pour le spectacle de Bobby Bazini dont c'était la «première Place des Arts». L'artiste de 26 ans, adulé au Québec et qui s'emploie aujourd'hui à conquérir d'autres territoires, a conçu avec son équipe un spectacle qui se voulait plus classe, plus adulte.

Après une intro jazzée piano-saxo, le longiligne chanteur s'est lancé a cappella dans Where I Belong avant que ses sept musiciens et deux chanteuses ne s'en mêlent. Puis il a enchaîné avec une Turn Me On revisitée à la manière R'n'B jazzée, comme allaient l'être bon nombre des chansons de ses deux albums par la suite. Pour entreprendre ce léger virage musical, Bazini s'est adjoint deux cuivres, indispensables, et un nouveau claviériste en la personne d'Yves Frulla, jusqu'à récemment de l'équipe de Céline Dion.

Enchaîner les classiques

Le jeune homme timide d'autrefois bougeait, dansait et gigotait comme s'il voulait que son corps soit aussi possédé que cette voix pas ordinaire qui a fait de lui une star. Il a repris sa guitare acoustique derrière laquelle il se cachait il n'y a pas si longtemps le temps d'une Cold Cold Heart faite sur mesure pour le nouvel habillage musical. Et comme l'hiver dernier au Métropolis, il a emprunté à Stevie Wonder sa You Haven't Done Nothin', ralentie juste ce qu'il faut.

Festival de jazz oblige, Bazini s'est éclipsé dans les coulisses pendant que ses musiciens reprenaient Take Five de Brubeck. Sitôt de retour, il a poursuivi dans la même veine classique et chanté Summertime en s'accompagnant à la guitare. Puis il a annoncé «une grande chanson», Frulla a empoigné son accordéon et ce fut La vie en rose qu'ont chantée avec lui quelques spectateurs. Peut-être n'était-ce qu'une aventure d'un soir, sinon il faudra que Bazini s'écarte un peu plus des sentiers battus.

Peu après, l'invité spécial Booker T. Jones s'est installé à l'orgue et Bazini a repris avec un plaisir évident Fa-Fa-Fa-Fa-Fa (Sad Song) que son héros Otis Redding a écrite avec le compagnon de route de monsieur Jones, le guitariste Steve Cropper, des MGs.

Une fois Booker T. Jones assis à son orgue, Bazini s'est concentré sur ses propres chansons qui lui vont beaucoup mieux que les immortelles auxquelles il s'était attaqué plus tôt. Sa Wish You Were Here, jouée en rappel, n'a probablement jamais été aussi poignante qu'hier.

Booker T. Jones

On voit si peu souvent Booker T. Jones qu'on souhaiterait le voir jouer uniquement des choses qu'il a écrites. Mais comme il nous l'expliquait la veille, en concert, Booker T. aime se faire plaisir en reprenant les chansons des artistes qui l'ont marqué.

Toutefois, quand on n'a qu'une petite heure à passer sur scène, il serait préférable qu'il joue sa propre Melting Pot que de nous servir des versions quelconques de Hey Joe, façon Hendrix, Don't Let Me Down des Beatles ou Respect d'Otis Redding, plus rock qu'à l'origine. Surtout que pour ce faire, monsieur Jones prend sa guitare et chante plutôt que de nous faire entendre son orgue Hammond.

Quand il est enfin retourné à son instrument de prédilection‎, il s'est mis à faire plus chaud dans la salle Wilfrid-Pelletier. Coup sur coup, l'organiste et ses quatre musiciens ont plongé dans les joyeux classiques des MGs: Green Onions, Hip Hug-Her rappée par le batteur Darian Gray, la calypso Soul Limbo et l'éternelle Time Is Tight, entreprise tout en douceur mais qui a fait se lever tous les spectateurs quand elle a retrouvé le rythme qu'on lui connaît. Juste avant, on avait eu droit à une adaptation instrumentale inspirée de la chanson Everything Is Everything de Lauryn Hill que Booker T. Jones a enregistrée avec The Roots.

Ne manquait plus que Melting Pot.