Comme chaque année, des jazzmen de légende rendent visite aux Montréalais à l'occasion du Festival de jazz. La Presse dresse le portrait de cinq d'entre eux à l'intention des non-initiés.

Fred Hersch

Pianiste américain, 60 ans

Au Gesù ce soir, 22h30

Profil

Après quatre décennies d'intense pratique jazzistique, Fred Hersch est admiré de ses pairs et des connaisseurs, bien qu'il ne soit jamais devenu une star. On ne peut attribuer cette relative discrétion publique à une faible productivité - ne compte-t-il pas une quarantaine d'albums à titre de leader? En fait, le pianiste exerce son art sans la flamboyance des plus célèbres, sans la vélocité spectaculaire ou tout autre sparage technique dont raffolent les mélomanes en herbe. Le talent fabuleux de Fred Hersch se trouve ailleurs: connaissance profonde du jazz, usage brillant du contrepoint, articulation fabuleuse des deux mains dans les constructions harmoniques, haute subtilité mélodique, rigueur et raffinement absolus.

Grandes collaborations

Depuis les débuts de sa carrière, Fred Hersch a joué avec une légion de grands musiciens de toutes les générations. On pense à Joe Henderson, Charlie Haden, Art Farmer, Stan Getz, Billy Harper, Bill Frisell, Jane Ira Bloom, Julian Lage, Gary Burton, Tony Malabi, etc. Il a été associé de près aux chanteurs de jazz Kurt Elling, Nancy King, Janis Siegel, Cecile McLorin Salvant ou Norma Winstone. Il a aussi accompagné des artistes du chant classique tels Renée Fleming, Dawn Upshaw, Christopher O'Riley, ou encore des instrumentistes classiques tels les violonistes Joshua Bell et Nadja Salerno-Sonnenberg. Qui plus est, il a composé et arrangé pour lui seul, pour moult petits ensembles de jazz, mais aussi pour les orchestres de chambre et les choeurs.

Grand album

The Fred Hersch Trio Plays, Chesky Records, 1994

Depuis l'aube du jazz moderne, la formule piano-contrebasse-batterie du grand Art Tatum est propice à toutes les libertés. Les plus éminents pianistes de l'idiome se sont approprié les classiques de leurs collègues et un répertoire de plus en plus considérable de chansons populaires. Fred Hersch n'y fait pas exception et atteint régulièrement le pinacle de la relecture jazzistique. Prenons cet album presque parfait, enregistré en 1994 avec l'un de ses meilleurs trios à vie, qu'il formait alors avec le contrebassiste Drew Gress et le batteur Tom Rainey. On ne peut imaginer meilleure façon d'honorer le legs de Monk, Miles, Wayne, Ornette, Ellington, Strayhorn, Gillespie, Rollins... sans compter le sien!

Ses héritiers

Lorsque notre Julie Lamontagne a été considérée parmi les meilleurs pianistes du jazz québécois, elle nous avait révélé son admiration pour son professeur Fred Hersch, que certains mélomanes avertis admiraient depuis les années 80 - alors qu'il accompagnait la saxophoniste Jane Ira Bloom. À l'instar de la musicienne montréalaise, tant de pianistes haut cotés ont pu bénéficier de ses enseignements, soit à la New School de New York, à la Manhattan School of Music, au Berklee College of Music de Boston ou encore au New England Conservatory. Entre autres étudiants célèbres, on trouve Brad Mehldau et Ethan Iverson (The Bad Plus). Il compte aussi l'excellent Jason Moran parmi ses fans les plus fervents. Pianiste des pianistes!