«Pourquoi JSB à l'accordéon? Enfant, m'a déjà raconté Piazzolla, il avait eu son premier choc musical avec Jean-Sébastien Bach. Astor avait d'ailleurs écrit plusieurs fugues dans le style tango, mais dans l'esprit de Bach», amorce ce musicien d'une courtoisie et d'une humilité exemplaires qu'est Richard Galliano, joint à son domicile français.

«Avant de recevoir votre appel téléphonique, j'étais à travailler Vivaldi. Lorsque je joue cette musique, j'ai aussi le sentiment de refaire le chemin d'Astor Piazzolla, de voir par où il est passé. Le lien avec Piazzolla est encore plus évident chez Vivaldi que chez Bach: ils avaient tous deux une manière assez simple d'écrire la musique et qui demande à être ornementée dans l'interprétation. Lorsque j'écoute la relecture de Bach pour les concertos de Vivaldi, je me dis que je peux créer un peu dans le même esprit avec l'accordéon. Pour l'accordéon, Bach et Vivaldi, ça fonctionne très bien, qu'il s'agisse d'oeuvres pour l'orgue, pour le clavecin ou pour les cordes. Ça donne quelque chose de très différent.»

«Cette fois, cependant, il est essentiellement question de Bach avec qui on établit un rapport piazzolien si ce n'est que dans le choix du programme.»

«Bach, c'est quelque chose de très à part; l'émotion se trouve déjà dans la composition et les harmonies, pas la peine que l'interprète en rajoute. Dans le contexte des mouvements lents, par exemple, il faut rester dans un registre très pur, très simple, sans ornementation. De l'accordéon se dégage alors une émotion très différente du violon, par exemple. L'accordéon suggère plus de tristesse, de nostalgie, alors que le violon, est plus flamboyant. Mais il n'y a pas ce blues qu'on peut exprimer avec l'accordéon.»

Richard Galliano souligne n'avoir jamais joué ce programme Bach-Piazzolla en Amérique du Nord.

«Ça avait commencé avec le projet Piazzolla Forever il y a une douzaine d'années, puis j'ai joué des musiques de Bach et Vivaldi. Mon ensemble a fait environ 400 concerts depuis lors. À Montréal, donc, nous commencerons par le double Concerto pour violon et hautbois en ut mineur BWV.1060. On jouera ensuite le mouvement lent du Concerto pour clavecin, cordes et continuo No 5 en fa mineur BWV 1056. Puis le premier mouvement du Concerto pour violon en la mineur BWV 1041. Je joue la célèbre Aria parce que là, on se trouve dans quelque chose d'un peu plus populaire. Puis ma Valse à Margaux, mon Tango pour Claude, Habanerando et mon solo créé pour Libertango. On est donc arrivé chez Piazzolla, dont on jouera un extrait de la bande originale du film Sur, sans compter Automne Porteno, Oblivion, Esqualo.»

L'instrumentation?

«Le quintette à cordes comporte deux violons, un alto, un violoncelle, une contrebasse. Et il y a moi, l'intrus à l'accordéon! Accordéon chromatique à boutons, donc. Jeune, j'avais commencé avec la touche piano, mon père (qui est pianiste et accordéoniste) m'avait conseillé de jouer l'accordéon avec clavier à boutons. Or, j'aime beaucoup la touche piano, c'est pourquoi mon accordéon est un mélange des deux; la tessiture ressemble à l'accordéon piano et le clavier est à boutons. La coque de mon instrument (de marque Victoria) est plus près du corps, moins lourde, ce qui me permet de jouer debout pendant un concert entier. Cela est beaucoup plus difficile lorsqu'on joue d'un accordéon à boutons «normal». Mon instrument est un peu entre les deux. Je n'apporterai pas le bandonéon dans ce contexte. J'arriverai avec l'accordéon à boutons et le petit accordina avec lequel je fais Menuet et Badinerie de Bach.»

Ainsi, on commence par Bach et on boucle la boucle avec Bach.

Richard Galliano se produit le jeudi 28 juin, à 19h, à la Maison symphonique de Montréal.