En 1971, trois ados américains ont entrepris de conquérir la planète à partir de Londres avec des chansons au son typiquement californien. Quarante ans plus tard, America chante encore ses succès qui ont dominé les palmarès des années 70.

Quand la chanson A Horse With No Name s'est mise à tourner en boucle à la radio en 1972, on a cru entendre des clones de Neil Young tout droit sortis d'une commune californienne. Erreur. America était formé de trois jeunes fils de militaires américains basés en Angleterre où cette chanson avait déjà connu du succès l'année précédente. Même que leur premier album a été enregistré au studio Trident de Londres avec Ken Scott, réalisateur du Hunky Dory de Bowie, dont on ne peut pas dire qu'il préconisait un son très américain. «On avait 17 ou 18 ans, tout s'est passé très vite et la chance y était pour beaucoup, se souvient Gerry Beckley. En 1972, on tournait aux États-Unis et on avait l'album numéro un et la chanson numéro un.»

Comble d'ironie, la conquête de l'Amérique par America a délogé Neil Young et sa chanson Heart of Gold du sommet des palmarès. «C'était un timing malheureux pour Neil, convient Beckley. Neil avait déjà lancé trois ou quatre albums à l'époque et il atteignait finalement la première position quand, au bout d'une semaine, il a été détrôné par quelqu'un qui sonnait comme lui. En plus, nous nous sommes retrouvés avec les mêmes imprésarios, Elliott Roberts et David Geffen, quand nous sommes déménagés en Californie. C'était un peu bizarre.»

En 1974, America est retourné en Angleterre pour y enregistrer son quatrième album, Holiday, avec le réalisateur des Beatles George Martin. «On n'y croyait pas vraiment, mais on l'a appelé juste au moment où il s'adonnait à venir à Los Angeles parce qu'il était nommé pour un Oscar pour la chanson Live and Let Die, raconte Beckley. Il a posé une condition: il fallait aller l'enregistrer en Angleterre parce qu'il ne voulait pas s'absenter trop longtemps. Nous avions mis trois mois à faire notre album précédent et il a réservé deux mois au studio Air de Londres. Finalement, on a bouclé l'album en 13 jours, y compris le mixage, les cordes et tout le reste. Il y avait là-dessus les chansons Tin Man et Lonely People.»

Du trio du début, America est devenu un duo quand Dan Peek est parti faire carrière dans le rock chrétien en 1977. Beckley et Dewey Bunnell, la voix de A Horse With No Name, ont continué à chanter leurs succès des années 70 et à enregistrer des albums qui sont passés inaperçus. «Dès le départ, on a misé sur le principe d'alternance: Dewey chantait A Horse With No Name et moi, le simple suivant, I Need You. America n'est pas le groupe d'une seule voix et je pense que ça nous a bien servi.»

Harmonies vocales

L'une des clés du succès d'America, comme plusieurs groupes de l'époque, a sûrement été la richesse de leurs harmonies vocales. «Ce n'est pas tellement les notes que l'on chante comme le mélange des voix qui compte, explique Beckley. Si Glenn (Frey) et Don (Henley) chantaient certaines de nos chansons, tu serais étonné de constater à quel point ça sonne comme les Eagles. D'ailleurs, dans notre nouvel album qui sort en juillet, nous reprenons 12 de nos chansons préférées écrites par des gens comme Jimmy Webb, James Taylor et Joni Mitchell. Ce sont toutes de grandes chansons: America de Paul Simon, My Back Pages de Bob Dylan... Dès l'instant où tu mets ta voix sur ces chansons, elles t'appartiennent un peu. Si on essayait trop de copier les versions originales, ça donnerait au mieux une sorte de version karaoké de ces chansons. Dewey chante super bien Caroline, No de Brian Wilson, mais il n'essaie surtout pas de copier le style de Brian. Le défi est énorme avec une chanson de ce calibre. Avec Caroline, No, ça fonctionne, mais on ne pourrait pas faire Good Vibrations. Il y a des chansons comme ça auxquelles il vaut mieux ne pas toucher.»

Samedi soir, America se produira à Wilfrid-Pelletier en programme double avec Don McLean - tout le monde ensemble: bye bye miss American Pie... Beckley et Bunnell seront accompagnés de musiciens qui font partie de la famille: le batteur Willie Leacox est avec eux depuis 39 ans, le guitariste et claviériste Michael Woods, depuis 33 ans, et le petit nouveau, Rich Campbell, tient la basse depuis seulement 11 ans.

America et Don McLean, à Wilfrid-Pelletier, dimanche à 19h.